Summary: | La dernière réforme de 1993 a imposé l'approche programme laquelle situe l'étudiant au centre de l'apprentissage. De ce fait, les enseignants du collégial vivent un malaise: ils ne savent plus où se situer par rapport à l'étudiant et constatent que les instances administratives les encouragent à développer des stratégies pédagogiques comme gages de réussite d'un cours au détriment d'une pédagogie orientée sur des valeurs telles la valorisation de l'effort, l'engagement, l'échange et le respect. Devant de tels constats, nous soulevons un questionnement à savoir si l'enseignement se résume à une fonction instrumentale, ou encore, si l'enseignement possède aussi une fonction éducative (de educare : nourrir, s'élever) dans notre société. Cette recherche théorique nous a conduit à un cadre de référence, soit la théorie de la réciprocité éducative (Labelle, 1996). Notre question de recherche se formule comme suit:"Comment la réciprocité éducative contribue-t-elle à la découverte de sens de la fonction éducative chez l'enseignant au collégial?" Les méthodes qualitatives utilisées suivent un processus itératif de recherche, lequel met en évidence cinq phases distinctes de recherche. Les outils de collecte de données varient de l'entretien semi-dirigé de groupe à l'entretien semi-dirigé individuel, en passant par le récit de pratique. Les données obtenues tant chez les étudiants que chez les enseignants ont été analysées selon l'approche de la théorisation ancrée ( Grounded Theory ).La théorisation finale indique que trois postures de l'enseignant agissent avant et en deçà de l'acte éducatif: la posture de promotion de soi ou de la profession, la posture de performance intellectuelle et de stratège pédagogique, et la posture de partenariat. Chacune d'elles interpelle distinctement l'enseignant dans sa fonction éducative. Selon notre analyse, les étudiants réclament une posture où l'éthique de la relation éducative est fortement interpellée, ce qui semble être le cas de la posture de partenariat. Or, l'enseignant adoptant cette dernière dénonce toute forme d'uniformisation de l'enseignement et annonce que, au-delà de toute transmission de contenu, l'être apprenant est la valeur suprême et que l'expérience constitue le noyau central de l'apprentissage. Du coup, l'enseignant, en position de partenariat avec l'étudiant dans le processus de découverte et du"apprendre-ensemble", trouve un sens à sa fonction éducative. En fait, la fonction instrumentale de l'acte d'enseigner est subordonnée à la fonction symbolique définie par la transmission des valeurs en accord avec celles de l'établissement et de la société. L'originalité de cette recherche exploratoire repose sur la considération de la dimension symbolique liée à l'acte d'enseigner. Sans cette dernière, l'enseignant se sent réduit à l'homo technicus et sa fonction éducative tend davantage vers de l'instruction que de l'éducation. De plus, cette recherche précise que la relation éducative ne doit pas tendre vers une relation à teneur affective ou conviviale, ou encore être orientée vers une transmission des contenus qui réduit l'être apprenant à sa seule faculté intellectuelle. En somme, la relation éducative est constitutive - et non pas contributive - de l'acte d'enseigner et d'apprendre.
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