Ángel Muro et El Practicón : enjeux et perspectives de la littérature gastronomique au XIXe siècle en Espagne

Alors que rien ne le prédestinait à se lancer dans l'écriture culinaire, le journaliste Ángel Muro publie le Practicón en 1894 qui devient le livre de cuisine le plus édité en Espagne. Le succès est immédiat : dès la première année de sa parution, l'ouvrage connaît cinq rééditions et sa po...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Baquet, Marie
Other Authors: Sorbonne Paris Cité
Language:fr
Published: 2017
Subjects:
Online Access:http://www.theses.fr/2017USPCA158/document
Description
Summary:Alors que rien ne le prédestinait à se lancer dans l'écriture culinaire, le journaliste Ángel Muro publie le Practicón en 1894 qui devient le livre de cuisine le plus édité en Espagne. Le succès est immédiat : dès la première année de sa parution, l'ouvrage connaît cinq rééditions et sa popularité ne fait que s'accroître au fil du temps puisque le traité culinaire ne compte pas moins de trente‑quatre rééditions, la dernière datant de 1928. Bien plus qu'un livre de cuisine énonçant des recettes diverses et variées, l'ouvrage se présente davantage comme un ouvrage hybride : tour à tour traité d'économie domestique et d'hygiène alimentaire, manuel de civilité, ou encore guide gastronomique, le traité culinaire de Muro atteste de l'existence d'un discours culinaire en Espagne au XIXe siècle qui, entre appropriation et rejet, se construit malgré l'hégémonie gastronomique française en Europe. En ce sens, la tension entre tradition et modernité est révélatrice. À la croisée de deux chemins, le Practicón, tout en s'inscrivant dans la continuité du genre culinaire dont il adopte la forme, apporte également un éclairage intéressant sur cette période de mutations qu'est le XIXe siècle, se définissant ainsi clairement comme une œuvre de son temps en témoignant des derniers progrès scientifiques et en mettant en lumière les préoccupations de la société de son époque. Instrumentalisée, la cuisine espagnole se retrouve au cœur des débats idéologiques : d'une part, elle sert les intérêts de la classe bourgeoise qui, en quête de légitimité sociale, voit en elle le moyen d'afficher sa supériorité sociale et, d'autre part, elle participe à l'élaboration d'un discours sur l'identité nationale. Au-delà d'une simple codification de la cuisine, l'ouvrage de Muro revêt donc de multiples significations, grâce à son ancrage historique et culturel, nous invitant ainsi à questionner le regard porté par l'auteur sur l'art culinaire espagnol de cette fin de siècle. === While nothing predestined him to start working on culinary writing, the journalist Ángel Muro published the Practicón in 1894 which became the most edited cookbook in Spain. It was a real success : in the first year of its publication, the book knew five reprints and its popularity has grown over the years as the culinary Treaty has not less than thirty-four editions, the last one being in 1928. Much more than a cookbook with numerous and varied recipes, the book looks more like a hybrid book : once a treaty on home economics and health food, then a book of civility, or even restaurant guide, Muro’s culinary Treaty is the meaning of the existence of a culinary discourse in Spain at the 19th century, between appropriation and rejection, is being built despite the gourmet French hegemony in Europe. Therefore, the tension between tradition and modernity is revealing. At the crossroads of two paths, the Practicón, while in the continuity of the culinary kind whose shape is the same, also brings an interesting light on this period of change which is symbolic of the 19th century, is clearly defining itself as a work of its time reflecting the latest scientific advances and highlighting the social problems of its time. Exploited, the Spanish cuisine is at the heart of the ideological debates : on the one hand, it serves the interests of the upper class who, in search of social legitimacy, sees in it the way to show off her social superiority and, on the other hand, it’s part of the development of a discourse on national identity. Beyond a simple codification of cooking, Muro’s book has therefore different meanings, thanks to its historical and cultural roots, thus inviting us to question the author’s eye on the Spanish culinary art of the end of the 19th century. === Mientras que nada lo predestinaba a lanzarse a la escritura culinaria, el periodista Ángel Muro publica El Practicón en 1894 que se convierte en el libro de cocina más editado en España. El éxito es inmediato : desde el primer año de su publicación, la obra conoce cinco reediciones y su popularidad no hace más que aumentar andando el tiempo puesto que el tratado culinario contabiliza nada menos que treinta y cuatro reediciones, la última publicada en 1928. Mucho más que un libro de cocina formulando diversas recetas, la obra se presenta más como una obra híbrida : a veces tratado de economía doméstica y de higiene alimenticia, manual de urbanidad, o bien guía gastronómica, el tratado culinario de Muro atestigua la existencia de un discurso culinario en España en el siglo XIX que, entre apropiación y rechazo, se construye a pesar de la hegemonía gastronómica francesa en Europa. En este sentido, la tensión entre tradición y modernidad es reveladora. En la encrucijada, El Practicón, al inscribirse en la continuidad del género culinario del que adopta la forma, revela también un enfoque interesante sobre este periodo de mutaciones que es el siglo XIX, definiéndose así claramente como una obra de su época al poner en evidencia los últimos avances científicos y al resaltar las preocupaciones de la sociedad de su época. Instrumentalizada, la cocina española se encuentra en medio de los debates ideológicos : por una parte, sirve los intereses de la clase burguesa quien, en busca de legitimidad social, ve en ella el medio de mostrar su superioridad social y, por otra parte, participa en la elaboración de un discurso sobre la identidad nacional. Más allá de una simple codificación de la cocina, la obra de Muro adopta pues múltiples significados, gracias a su anclaje histórico y cultural, invitándonos así a cuestionar el punto de vista del autor sobre el arte culinario español de este fin de siglo.