Summary: | Le système agroalimentaire est au coeur des débats sociétaux et des inquiétudes des consommateurs. Les modes de production, de transformation, de distribution et de consommation qui prédominent, les plus rentables à court terme, ne sont pas les plus viables sur le plan écologique (Millstone et Lang, 2003; Reeves, 2003). Nitrates, pesticides, disparition de la surface arable, diminution des réserves d'eau potable, désertification, dérèglements climatiques, contamination, famine, épuisement des ressources halieutiques, brevets sur le vivant, concentration économique, exode rural... la liste des enjeux et des répercussions engendrées par l'agriculture technoscientifique intensive ne cesse de s'allonger. En marge de ce système et afin de contrebalancer ses effets, l'action des nouveaux mouvements sociaux économiques (NMSÉ) vise la mise en place d'alternatives agroalimentaires durables car ni le marché ni l'État ne sont aptes à réguler le secteur. C'est pourquoi les certifications sont utilisées en tant qu'instruments de marché, outils de développement durable et instruments de mobilisation des consommateurs. L'objectif de cette recherche est d'améliorer la connaissance des nouveaux mouvements sociaux économiques du secteur agroalimentaire et de développer une meilleure compréhension de la portée régulatoire de leurs activités sur le marché. Plus particulièrement, il s'agit d'identifier et de décrire le caractère normatif des mécanismes régulatoires en fonction de l'approche de l'encastrement social de Polanyi (1983, 2001), de la thèse postmoderniste de Maffesoli (1988, 2003) et de la théorie de la gouvernance par la société civile décrite notamment par Cashore (2002). Un objectif supplémentaire consiste à élaborer quelques éléments stratégiques en fonction de l'approche du consumérisme politique, lequel permet de décrire le segment visé. Le cadre méthodologique de cette recherche repose sur une étude de cas comparée afin d'évaluer les activités de certification de deux organisations faisant la promotion de référentiels de produits agroalimentaires. Cette recherche examine et compare le cas de l'Union paysanne et la certification bio-paysanne et le cas de l'appellation liée au terroir promue par Solidarité rurale du Québec. Les deux mouvements considèrent que les individus sont dépendants de la nature et de leurs semblables. C'est la vision substantielle de l'économie développée par Polanyi (2001). Même si les problèmes perçus sont différents, même si les solutions apportées divergent, les certifications bio-paysanne et de terroir apparaissent comme des institutions formelles d'encastrement. Leur influence en termes de régulation sociale apparaît toutefois mitigée. Le thème de l'espace est par ailleurs omniprésent dans les deux discours et chaque certification en reflète une dimension singulière: le projet de certification des produits bio-paysans, dans une mise en scène archaïque, présente un caractère structurant autour d'une proximité physique. Le projet de Solidarité rurale, un projet plus postmoderne, est initié autour d'une proximité psychologique. Quant à la dimension communautaire, chez l'Union paysanne celle-ci est relayée par un réseau alimentaire de proximité alors que chez Solidarité rurale, elle est exprimée par la connivence entre producteurs et consommateurs. Enfin, ces deux mouvements s'adressent à la fois au système politique et aux individus en tant que consommacteurs. On dote les produits de labels chargés de connotations culturelles ou environnementales et on utilise le marché à des fins de transformation sociale. On joint ainsi l'action collective à l'action collective individualisée des consuméristes politiques (Micheletti, 2003) pour qui la consommation est une forme d'action politique. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Agriculture, Système agroalimentaire, Nouveaux mouvements sociaux économiques, Certification, Labels, Agriculture biologique, Produits de terroir, Appellations.
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