Summary: | Dans l'acquisition du français, l’enfant reçoit comme input une langue orale où
les frontières entre les mots sont masquées par des phénomènes consonantiques
comme la liaison (les [le] + ours [uʁs] => [le.zuʁs]), l’élision (le [lə] + ours
[uʁs] => [luʁs]) et l’enchaînement (la [la] + petite [pə.tit] + orange [] =>
[la-pe.ti.t). Cet effet de masquage donne lieu à des erreurs de mauvaises
segmentations à partir de l'âge de 2 ans (p.ex. de(s)[n]éléphants [de.ne.le.fɑ̃]
pour des[z]éléphants [de.ze.le.fɑ̃] ou u(n)[Ø]avion [ɛ a.vjɔ̃]
pour un[n]avion [ɛ.na.vjɔ̃]).
Entre 4 et 5 ans ces productions fautives diminuent avant de disparaître à l’âge
de 6 ans (Basset, 2000). Deux explications ont été données pour expliquer
ce pattern de développement : une explication lexicale (Chevrot et al., 2013) où
la fréquence lexicale des mots est la base pour déterminer leurs frontières ;
une explication phonologique autosegmentale (Wauquier, 2009) qui met en relation
la stabilisation du lexique avec l'acquisition phonologique.
Dans cette étude nous cherchons d'évaluer de manière détaillée l’importance
relative de la phonologie et des connaissances lexicales de 43 enfants français
à l’entrée du CP et d'analyser les problématiques causées par les phénomènes
consonantiques de liaison, d’élision et d’enchaînement dans cette phase
d'acquisition. Les résultats d'une tâche de dénomination guidée montrent que les
enfants de 6 ans et demi ont encore des
problèmes avec le calcul des frontières des mots en français au début de l'école
primaire. De plus dans nos données, la fréquence lexicale des mots tests ne
résulte pas corrélée au nombre d'erreurs. Les fautes résiduelles dans la
tâche sont donc consécutives à un problème phonologique et pas exclusivement
lexical. Le
rôle prioritaire de la phonologie à l'entrée de l'école primaire est en accord
avec les conclusions de Sprenger-Charolles (1994) qui proposent que la première
phase d’apprentissage de la lecture et de l'écriture repose essentiellement sur
une analyse phonologique indépendante de la fréquence lexicale.
|