Summary: | La dépression majeure touche de 5 à 9% des femmes et de 2 à 3% des hommes au cours de leur vie. C'est un trouble de l'humeur qui se caractérise par une période de deux semaines pendant lesquelles une humeur dépressive ou une perte d'intérêt ou de plaisir sont présentes. De plus, une étroite association entre la dépression et la douleur est prouvée par des données probantes à l'effet que la dépression majeure est un facteur de risque dans le développement de douleurs chroniques. Par ailleurs, des études épidémiologiques montrent une comorbidité fréquente de la dépression majeure chez les patients souffrant de douleurs chroniques. Cette association pourrait dépendre de facteurs neurobiologiques communs aux deux phénomènes comme la sérotonine et la noradrénaline, qui jouent des rôles importants dans la dépression et dans la douleur, plus particulièrement dans les mécanismes de contrôle de la douleur. Aussi, les antidépresseurs ont une efficacité démontrée à la fois dans la dépression majeure et dans la douleur chronique. Comme nous le verrons plus en détails, la douleur est un phénomène dynamique qui fait appel à des mécanismes excitateurs et inhibiteurs qui modulent l'information nociceptive à tous les niveaux du système nerveux central. Certains mécanismes inhibiteurs fonctionnent à l'aide de la sérotonine et de la noradrénaline, ce qui laisse supposer que les antidépresseurs ont un potentiel d'augmenter leur efficacité. De plus, une dysfonction de ces mécanismes semble être à la base de certaines douleurs chroniques, dont la fibromyalgie. La fibromyalgie est quant à elle un syndrome de douleur chronique qui touche 2% de la population. De plus, elle est le trouble de douleur chronique le plus touché par la dépression majeure, environ 22% des personnes souffrant de fibromyalgie développent aussi des épisodes de dépression. Dans une étude récente de nos laboratoires, les patients fibromyalgiques ont été séparés en deux sous-groupes, soit ceux avec et sans dépression majeure. Bien que les deux groupes présentaient une diminution significative de leurs contrôles inhibiteurs diffus nociceptifs, quand on les comparait à des volontaires sains, ceux qui souffraient de dépression majeure présentaient un déficit plus important des contrôles inhibiteurs diffus nociceptifs que ceux qui n'en souffraient pas. Néanmoins, la question demeure à savoir si la dépression majeure sans fibromyalgie a un effet sur ces mécanismes inhibiteurs endogènes. Considérant l'association qui existe entre ces deux pathologies, le but de notre étude est d'explorer la perception de la douleur et le fonctionnement des contrôles inhibiteurs descendants chez des participants présentant une dépression majeure pour ensuite les comparer à ceux d'un groupe de volontaires sains comme témoin et à ceux d'un groupe de fibromyalgiques. L'approche expérimentale que nous proposons est d'utiliser un test de douleurs thermiques qui permet à la fois de mesurer les mécanismes endogènes excitateurs et inhibiteurs. Cette approche consiste en deux stimulations thermiques localisées qui permettent de mesurer la perception de la douleur et qui sont séparées par l'immersion du bras opposé dans un bassin d'eau froide dans le but de déclencher les CIDN. En comparant la perception de la douleur avant et après l'immersion, nous pouvons déterminer l'efficacité des mécanismes inhibiteurs. Des analyses statistiques appropriées sont utilisées pour évaluer et comparer la perception et la modulation de la douleur des différents groupes. Une hyperalgésie est retrouvée chez les dépressifs, mais aussi de façon plus importante chez les fibromyalgiques. Comme démontré auparavant dans la littérature, les mécanismes de contrôle de la douleur sont absents chez les fibromyalgiques est retrouvée, mais ces mécanismes semblent être présents et efficaces chez les dépressifs. Ces résultats démontrent que la dépression majeure et la fibromyalgie sont deux pathologies différentes malgré toutes leurs similarités cliniques et l'interaction qui semble exister entre les deux.
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