Summary: | Le questionnement soulevé par le crime et la violence dans l'oeuvre de Stendhal est fondamental, car tout héros stendhalien est en puissance ou en acte un criminel. Né de la philosophie de Hobbes, l'écrivain croit comme son maître à penser que l'homme vit naturellement dans l'incertitude parce qu'il est partagé entre le désir et la crainte. La crainte est la passion primordiale de l'homme, mieux encore le sentiment naturel à l'origine même de l'humanité. Cette thèse s'est attachée à la notion de crime au sens large du terme, afin de démontrer que l'oeuvre de Stendhal ne traite pas uniquement des crimes de sang, mais également des délits et des actes de violence primaire comme de gifler ou de blesser quelqu'un ou encore de violer une femme. Violence physique bien sûr, mais aussi violence verbale, comme insulter en vue de le torturer moralement, etc. Voilà pourquoi, dans un premier temps, notre thèse s'est assignée pour mission d'identifier les crimes les plus significatifs dans l'oeuvre de Stendhal, à partir des crimes de sang jusqu'aux délits, d'identifier leurs auteurs et de décrire les mobiles de leurs actes. Car, dans toute l'oeuvre de Stendhal, le criminel prédomine progressivement en tant que symbole de puissance, tant social que narratif. Il gagne peu à peu le statut de héros principal et même éponyme de l'oeuvre, sans détachement moralisateur de l'auteur. La mort et la violence littéraire sont alors des coups de théâtre, les incursions de la brutalité et de la fatalité dans le texte. Aucunement marginale, elle agit sur le geste ou la narration. Le crime et la violence gonflent une fois de plus ses effets dramatiques. Bien entendu, la mort, et plus encore la violence, représentent un défi pour le langage. Car on arrive à se demander de quelle façon le criminel a atteint son objectif, à relater le passage de la vie à la mort, à représenter ce moment, si bref soit-il, à lui attribuer une dimension pathétique, ce qui fait l'objet de la deuxième partie de cette thèse. Ainsi entrer sur la scène du crime, c'est décrire en même temps le langage que l'auteur utilise pour peindre la scène ou l'accomplissement de l'acte criminel. Comprendre la pratique du crime dans l'oeuvre de Stendhal dans ses détails, c'est clarifier le penchant essentiel de son esthétique, qui favorise l'action dramatique en répondant au besoin d'exubérance et de mise en relation des arts: la scène autorise d'associer arts picturaux, dramatiques et littéraires dans un paysage harmonisé, somatique, celui du choc, de l'innovation de la réception par la violence imposée au lecteur. "La scène est donc à la fois un élément obligé dans l'économie narrative et une forme d'art poétique: elle pousse à son paroxysme les enjeux esthétiques de la beauté et de la violence. Le mal devient une forme de privilège, d'élection, une manière de s'élever de la masse sociale, une aristocratie à rebours". L'oeuvre de Stendhal suggère de cette façon un répertoire de scènes de crime qui de temps en temps escamotent et montrent sous leur vrai jour les projets esthétiques et les répercussions de la créativité lancinante du crime tout en apprêtant, au même moment, l'adhésion du lecteur. De cette façon, la violence est tenue dans une tension dramatique permanente."Le détail qu'il soit"emblème","comble", ou moment incongru, dans les réécritures et pastiches grotesques, a donc une importance capitale dans l'économie et la réception d'une esthétique conjointe de la beauté et de la violence". Mais quelle que soit l'analyse de l'ampleur du crime dans l'oeuvre de Stendhal, si l'individualité de son auteur n'était pas élucidée, la recherche sur le crime se trouverait privée de sens faute d'en saisir les origines fantasmatiques. D'autant plus que l'étude du crime chez Stendhal atteint nécessairement son objectif à travers la signification de l'oeuvre, qu'il convient d'envisager sous un aspect plus ou moins unique: le discours qu'elle tient, et qui s'apparente à celui de son récit autobiographique, la Vie de Henry Brulard. C'est pourquoi si l'objectif poursuivi par cette thèse fut bien de dégager dans un premier temps la violence dans l'oeuvre de Stendhal, dans un second temps il avait pour tâche de l'expliquer à l'aide de la psychanalyse, de l'oedipe nommément, tel qu'il se retrouve logiquement dans le scénario de l'aventure, l'aventure qui n'est rien d'autre que la tentative de se soumettre la Loi au lieu de s'y soumettre, tout en répondant à la question de savoir comment un enfant, né comme tout autre enfant, peut un jour ou l'autre choisir plus ou moins librement de devenir criminel.
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