Tirer la langue, tremper sa plume fiction et essai littéraire

Pourquoi ce titre Tirer la langue, tremper sa plume? Chez moi s'articule un certain refus de l'hérédité. Je me méfie de l'hérédité, partout où celle-ci est reliée, de près ou de loin, à la langue maternelle, au sens propre et au sens figuré. C'est un refus d'être assimilée,...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Boissé, Hélène
Other Authors: Giroux, Robert
Language:French
Published: Université de Sherbrooke 1999
Online Access:http://savoirs.usherbrooke.ca/handle/11143/2072
Description
Summary:Pourquoi ce titre Tirer la langue, tremper sa plume? Chez moi s'articule un certain refus de l'hérédité. Je me méfie de l'hérédité, partout où celle-ci est reliée, de près ou de loin, à la langue maternelle, au sens propre et au sens figuré. C'est un refus d'être assimilée, interprétée et définie par un autre. C'est en partie à cause de ce refus global si j'ai cessé de résister à l'écriture, si je m'en suis accordé, envers et contre tous, l'ultime impermission , et encore à cause de lui si j'écris chaque jour noir sur blanc, à la première et à toutes les personnes du singulier et du pluriel, si je sens que l'écriture l'exige. Dans ce mémoire, je porte à l'attention du texte à lire les états d'esprit et de corps grâce auxquels j'ai écrit avec plaisir, et d'autres difficultés tout aussi perverses. Je nomme le plaisir décrire, là où écrire, c'est élever le langage jusqu'à la fiction, ou à la représentation, et en méme temps la difficulté d'écrire, de mettre en mots et en forme le texte caché en chacun de soi, en moi donc, pour en laisser surgir le sens, voire le remettre en état de bruire. Le plus exigeant, ce fut de désapprendre la langue des autres, de m'approprier la mienne. Avant d'écrire, je n'avais aucune histoire ni aucune mémoire à honorer. J'étais un lieu d'inscriptions. Mais bientôt, un mot à la fois, une phrase, patiemment, je balançai par-dessus l'épaule mes secrets de famille et de société, des générations de secret, et j'écrivis. À force d'écrire, je rompis les derniers liens de connivence avec quantité de miroirs. Cela me permit de"revenir à moi", comme on dit, en dehors des autres, mais sans les quitter. Autour de la table, chacun avait ses raisons de poursuivre, mais ce n'étaient plus les miennes. Désormais, j'avais presque les mains libres.