Summary: | Le but de ce travail est d'isoler des gènes qui sont impliqués dans la biodégradation de la lignine par la moisissure blanche du bois Trametes versicolor. La dégradation de la lignine est un phénomène mal connu. Les moisissures blanches du bois sont les organismes les plus efficaces pour dégrader la lignine mais leur mécanisme d'action est énigmatique. Bien que certains enzymes pouvant modifier la lignine aient été identifiés et leur gène cloné, le fonctionnement global du système demeure incertain. Le système ligninolytique de la moisissure n'est pas présent quand la moisissure est en phase primaire de croissance mais apparaît lorsque celle-ci passe en métabolisme secondaire. Dans ces conditions, la lignine n'est pas un inducteur de sa dégradation, c'est le passage de la culture en métabolisme secondaire qui induit l'activité ligninolytique. Ce passage peut être contrôlé par la concentration en azote du milieu de culture. Il est donc possible d'obtenir des cultures avec et sans activité ligninolytique en modifiant la concentration en azote du milieu. Sachant cela, nous avons entrepris de cloner par hybridation différentielle des gènes exprimés seulement lorsque la moisissure dégrade la lignine sans pour autant connaître leur fonction. Un premier criblage a été réalisé en utilisant comme conditions différentielles une culture ayant le maximum d'activité ligninolytique et une culture sans activité. Nous avons alors isolé 6 gènes. Aucun de ces gènes n'a montré une corrélation entre l'induction de son expression et l'induction de l'activité ligninolytique. L'expression de ces 6 gènes semble être contrôlée par des facteurs autres que l'azote qui seraient aussi différents dans les cultures induites et non induites utilisées. Un second criblage a ensuite été réalisé avec des sondes préparées à partir de cultures qui étaient dans des états physiologiques plus proches tout en démontrant une induction significative de l’activité ligninolytique. Lors de ce second criblage, 5 gènes ont été purifiés et l'expression de ces gènes concorde avec l'expression de l'activité ligninolytique. Nous avons aussi essayé de cloner le gène de la laccase par hybridation différentielle. La laccase est un enzyme produit lors de la formation des spores. Il a été impliqué dans l'activité ligninolytique mais son rôle demeure incertain et controversé. La technique d'hybridation différentielle ne nous a pas permis d'isoler ce gène mais, lors des expériences, nous avons observé un effet synergétique entre la laccase et le système ligninolytique concernant l'oxydation de certains polymères synthétiques. Finalement, la recherche de conditions de culture permettant d'isoler par hybridation différentielle des gènes liés à l'activité ligninolytique et l'observation d'un effet synergétique entre la laccase et le système ligninolytique nous ont amené à réévaluer les concepts touchant à la biodégradation de la lignine. Présentement, nous n'avons aucune évidence de l'existence d'une voie enzymatique de dégradation de la lignine. Nous émettons donc l'hypothèse que la dégradation de la lignine soit le résultat de l'action d'enzymes appartenant à d'autres voies métaboliques qui, lorsqu'ils sont co-induits produisent le phénotype de dégradation. Certains de ces enzymes pourraient être non-essentiels et substituables par des enzymes appartenant à d'autres voies métaboliques. Si c'est le cas, la dégradation de la lignine ferait appel à des concepts nouveaux qui ne se rencontrent pas dans la dégradation d'aucun autre polymère biologique.
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