Summary: | Lorsqu'une activité affecte le bien-être d'un ou de plusieurs tiers et que les pertes ou gains en bien-être ne sont pas pris en compte par l'agent responsable de l'activité, on dit qu'il y a présence de coûts ou bénéfices externes ou, de façon plus générale, d'effets indirects ou externes. Bien qu'il soit généralement admis depuis l'article de Arrow (1962) que l'activité privée de Recherche et Développement (R&D) peut constituer une source importante d'effets externes, peu de chercheurs ont tenté d'apprécier dans quelle mesure ces externalités pouvaient influer sur la performance de la firme, notamment en matière de profitabilité. Pour les chercheurs favorisant une approche économétrique, le problème consiste essentiellement à développer des mesures qui témoignent, d'une part, de la difficulté que peuvent éprouver certaines firmes ou industries à s'approprier les bénéfices de leur propre effort de R&D et, d'autre part, de l'importance des bénéfices qu'elles peuvent tirer de l'effort de R&D des autres firmes ou industries. Une telle démarche doit nécessairement faire appel à certain nombre d'hypothèses dont les plus importantes concernent la nature des externalités de la R&D. Si l'on se réfère à Griliches (1979, 1992), il existe deux hypothèses fondamentales qui sont souvent confondues dans la littérature: la première, celle d'externalités informationnelles, voulant que les externalités de la R&D procèdent de la diffusion des connaissances technologiques, et la deuxième, celle d'externalités inter-industrielles de productivité, voulant qu'elles soient associées aux flux inter-industriels de nouvelles technologies. Le principal objectif de ce mémoire est de discerner ces deux hypothèses d'externalités et de les vérifier simultanément dans le cadre d'une analyse en coupe transversale des déterminants de la profitabilité de la firme. L'idée centrale de notre approche est de développer des mesures d'apport externe se rapportant à chacune des deux hypothèses d'externalités et d'en estimer les effets sur la profitabilité de la firme. Il devient alors possible, sur la base des résultats d'estimation, de vérifier les deux hypothèses. À l'instar des travaux de Ben-Zion (1984), Jaffe (1985a, 1985b, 1986, 1989), Megna et Mueller (1991), Megna et Klock (1993), Geroski et al. (1993) et Zantout et Tsetsekos (1994), notre étude a l'intérêt de considérer non seulement les effets directs de la R&D sur la profitabilité de la firme mais aussi ses effets indirects. De surcroît, notre approche s'avère originale sur plusieurs points. Premièrement, nous nous proposons de vérifier simultanément les deux principales hypothèses d'externalités de la R&D; à notre connaissance, nous sommes les premiers à le faire. Deuxièmement, pour estimer la contribution en R&D d'une firme quelconque -j- au pool des connaissances quasi publiques potentiellement accessible à la firme -i-, nous combinons les concepts de proximité technologique (Griliches 1979; Jaffe 1985a, 1985b, 1986, 1989) et d'appropriabilité des connaissances technologiques (Mansfield et al. 1977, 1981; Levin et al. 1987; Cockburn et Griliches 1987, 1988; Levin 1988; Levin et Reiss 1988; Cohen et Levinthal 1989). Ce faisant, nous erapprochons considérablement notre mesure des connaissances quasi publiques de l'hypothèse d'externalités informationnelles de la R&D. Enfin, partant d'un modèle de flux inter-industriels de nouvelles technologies (Scherer 1982a, 1982b, 1984; Séguin-Dulude 1982), nous représentons l'influx en nouvelles technologies ou en R&D revenant au secteur principal d'activité de la firme. À part Geroski et al. (1993), nous croyons être les seuls à introduire dans un modèle de profitabilité une mesure d'apport externe pouvant se rattacher directement à l'hypothèse d'externalités inter-industrielles de la R&D. Mais avant de présenter notre modèle de profitabilité et nos deux mesures d'apport externe, nous discernerons au chapitre I de notre travail les hypothèses les plus couramment formulées à l'égard des effets directs et indirects de la R&D. Dans le chapitre II, nous passerons en revue les études qui ont tenté d'établir un lien entre l'activité privée de R&D et la profitabilité de la firme. Nous porterons une attention particulière aux variables technologiques utilisées dans les différents modèles et aux résultats obtenus par le biais de trois principales approches: celle des événements financiers, celle de la valeur marchande de la firme et celle de la profitabilité comptable. Dans les chapitres III et IV, nous présenterons notre modèle de profitabilité et définirons nos variables. Dans le chapitre V, nous décrirons les données de notre échantillon. Enfin, au chapitre VI, nous procéderons à l'estimation économétrique de notre modèle et à l'analyse des résultats. Nous espérons ainsi pouvoir confirmer ou infirmer nos hypothèses d'effets directs et indirects de la R&D sur la profitabilité de la firme.
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