Summary: | Cette thèse cherche à vérifier pour les français créoles les propositions de Bickerton (1981a) concernant l'hypothèse du bioprogramme linguistique. Je m'en tiendrai essentiellement à cet aspect de la question et n'aborderai pas la problématique de l'acquisition "normale" du langage, laquelle constitue tout un domaine de recherches distinct, ni celle de l'origine du langage, question toujours aussi spéculative (voir en particulier les Annals of the New York Academy of Sciences, vol. 280, 1976: "Origins and évolution of language and speech", et, Sebeok 1986). D'autres aspects de cette hypothèse seront également négligés: la relation entre la théorie de Bickerton et celle de Chomsky (v. Lightfoot 1984, 1985), la question de la révolution scientifique initiée par Bickerton (Fournier 1985, Prudent 1981), la nature fondamentalement "biologique" de l'hypothèse (voir les commentaires suite à Bickerton 1984a), l'importance de cette hypothèse dans les recherches sur l'acquisition du langage signé (Edwards & Ladd 1984, Jenkins 1984, Washabaugh 1986), etc. Un thème qui revient périodiquement dans les arguments des créolistes est de savoir si telle ou telle construction syntaxique trouvée dans la grammaire de tel ou tel créole doit être attribuée au superstrat, au substrat, aux universaux linguistiques (dont l'hypothèse du bioprogramme constitue une version forte), ou à une combinaison quelconque de ces trois sources. Tout au long des diverses épopées où se sont affrontés dans le passé les tenants des théories monogénétiques ou polygénétiques, substratophiles, superstratophiles et universelistes ont accumulé de part et d'autre nombre de descriptions et argumentations devant concourir à faire valoir leurs points de vue divergents. Récemment, depuis ces sept dernières années surtout, l'hypothèse du bioprogramme, par la nouveauté et l'originalité du point de vue (v. cependant Gilbert 1985), s'est affirmée comme la troisième voie à la mode. D'ores et déjà, on peut affirmer que ce dernier courant marque un point tournant majeur en linguistique contemporaine en sortant du paradis des îles ces langues dites pidgins et créoles pour les situer au coeur même du débat linguistique théorique moderne. Il est presque certain déjà que dans quelques années, avec un peu de recul, il sera permis d'évaluer positivement la contribution de cette hypothèse aux sciences du langage en général. Mais, entre temps, de nombreuses preuves et démonstrations restent à faire. Dans cette optique, cette thèse veut vérifier dans quelle mesure le bioprogramme constitue une hypothèse valable pour expliquer la génèse des "créoles français", et si oui, dans quelle mesure cette hypothèse peut être confirmée. Au fil de cette recherche, les deux hypothèses concurrentes (substrat et superstrat) seront également évaluées et mises en parallèle avec celle du bioprogramme. J'arriverai à la conclusion que cette hypothèse ne se vérifie pas quand on considère les données des "créoles français", que l'hypothèse du substrat ne se vérifie pas davantage, et qu'il faut par conséquent préférer une hypothèse postulant une filiation génétique ininterrompue entre le français et ces créoles, d'où la désignation de "français créoles".
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