La fabrique de la République : la pensée française contemporaine au prisme des usages de la référence juive (1970-2000)
Cette thèse aborde la pensée politique française à la fin du 20e siècle au prisme des usages de la référence juive dont le moment d’arrimage, les déterminants et l’histoire demeurent à ce jour obscurs. Nous interrogeons ce qu’Elisabeth de Fontenay a désigné comme cette « Nef des juifs » en France, à...
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Format: | Others |
Language: | fr |
Published: |
Université d'Ottawa / University of Ottawa
2020
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Online Access: | http://hdl.handle.net/10393/40897 http://dx.doi.org/10.20381/ruor-25123 |
Summary: | Cette thèse aborde la pensée politique française à la fin du 20e siècle au prisme des usages de la référence juive dont le moment d’arrimage, les déterminants et l’histoire demeurent à ce jour obscurs. Nous interrogeons ce qu’Elisabeth de Fontenay a désigné comme cette « Nef des juifs » en France, à savoir ce fait que la référence juive, après les publications d’Emmanuel Levinas, occupe dès la fin des années 1960 certains philosophes et littéraires avec insistance jusqu’à former au cours des décennies 1980-1990 une véritable économie du signe juif. À partir d’une approche compréhensive, cette thèse s’intéresse au développement de la pensée française à travers le prisme de cette économie du signe juif dans laquelle se réverbèrent les dimensions d’un champ d’expérience spécifique, celui d’une communauté de lettrés marquée en France par l’interrogation politique.
Celle-ci permet d’exposer qu’au cours de cette période, la référence juive est centrale dans les œuvres de certains philosophes et littéraires français. Ces derniers ne retiennent pas tout parmi les différentes traditions juives, mais sélectionnent plutôt minutieusement et retiennent des éléments et des thématiques bien spécifiques : déracinement, exil, nomadisme, diaspora, juif errant, marrane, errance, messianisme, cosmopolitisme. Ils ne mobilisent pas non plus ces éléments et ces thématiques dans n’importe quelle direction. Ils le font d’abord lorsqu’il s’agit d’interroger les idées politiques les plus communes de leur propre tradition de pensée politique républicaine et européenne : raison, Histoire, révolution, modernité, humanisme, empire, peuple, identité, république, État, souveraineté, nationalisme.
La référence juive à partir des années 1970 représente une dimension significative dans le développement de la pensée politique française contemporaine. La multiplication de ces usages s’inscrit en filigrane de certaines articulations majeures et des préoccupations qui traversent l’époque, à savoir ce contexte sociohistorique où la communauté intellectuelle se trouve déstabilisée. L’évolution des usages de la référence juive par certains des plus imminents philosophes et littéraires français au cours de ces trois dernières décennies du 20e siècle ne serait pas sans lien avec cette situation de crise épistémologique généralisée à la suite des expériences fascistes, ce moment de haute fragilisation des dictats de la théorie politique moderne européenne au cours duquel la réserve – le bassin de ressources symboliques – et le langage conceptuel disponibles jusqu’alors apparaissent désormais inadéquats.
En France, ce qui a été désigné ainsi comme une véritable faillite symbolique dans le monde des philosophes et littéraires à la fin du 20e siècle est repérable dans la résurgence de la thématique de la décadence culturelle (morale et politique) et l’émergence de tout un nouvel ensemble d’axiomes de la finitude dans le champ intellectuel et les productions culturelles. Des axiomes qui font signe vers un immense bris de conjoncture routinière au cours de cette période, un contexte historique de réflexivité « forcée » marqué en France par l’angoisse intellectuelle.
Poste d’observation privilégié, une analyse compréhensive de la pensée française à travers ce prisme des usages de la référence juive lors de cette période permet de restituer leur propre définition de cette situation, cet espace dramatique dans lequel ils ont fait entrer et intervenir la référence juive. Ceci permet de rendre compte de quelques dimensions de l’état culturel et historique dans lequel s’est trouvé plongée la pensée politique française à la fin du 20e. Loin d’être le symptôme d’une errance collective ou le fait d’énoncés isolés et dispersés dans les œuvres, la multiplication et l’évolution des usages de la référence juive par certains philosophes et littéraires les plus imminents de l’époque tend à rendre plus explicite le travail collectif de la pensée politique française sur elle-même à la fin du 20e siècle. La thèse permet en outre de raconter certaines dimensions de l’histoire de cette communauté intellectuelle telle qu’elle se vit, s’écrit et se trahit elle-même dès qu’elle mobilise cette référence juive à la fin du 20e siècle. |
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