Lire la nécessité : obéissance, liberté et décréation chez Simone Weil
Cette thèse propose d’examiner la conception originale et controversée de l’obéissance dans l’œuvre de Simone Weil. Selon nous, Weil hérite de son professeur de lycée, Alain, une préoccupation pour deux notions qui auront une forte incidence sur sa conception de l’obéissance, soit la nécessité et l’...
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Université d'Ottawa / University of Ottawa
2020
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ndltd-uottawa.ca-oai-ruor.uottawa.ca-10393-407102020-07-09T16:34:41Z Lire la nécessité : obéissance, liberté et décréation chez Simone Weil Daigle, Julie Labelle, Gilles Simone Weil obéissance nécessité liberté esclavage amitié décréation patriotisme femmes républicanisme Cette thèse propose d’examiner la conception originale et controversée de l’obéissance dans l’œuvre de Simone Weil. Selon nous, Weil hérite de son professeur de lycée, Alain, une préoccupation pour deux notions qui auront une forte incidence sur sa conception de l’obéissance, soit la nécessité et l’esclavage, ainsi que la conviction que l’ordre social et la liberté exigent des citoyens un double devoir d’obéissance et de résistance aux pouvoirs. La conception de l’obéissance de Weil est aussi influencée par l’expérience de l’esclavage, essentiellement féminine, qu’elle a vécue en usine pendant l’année 1934-1935. Cette expérience l’amène à approfondir sa réflexion sur les notions de nécessité et de force. Le travail de la politique, selon Weil, consiste à identifier les « vraies » nécessités (à distinguer des « fausses ») auxquelles les individus sont tenus d’obéir. Ces vraies nécessités conduisent Weil à formuler la notion d’« obéissance surnaturelle », laquelle suppose une ambiguïté dans sa compréhension du rapport de l’individu avec la nécessité, entendue à la fois comme liberté et comme esclavage. En dépit de ce qui précède, nous insistons sur l’opposition de Weil à l’esclavage social, de même que sur son éthique de l’amitié. Pour Weil, les Albigeois incarnaient l’amitié et l’obéissance au sens élevé qu’elle leur accorde, c’est-à-dire comme consentement à un objet d’amour. Weil reprend cet idéal dans l’Enracinement (1943), où elle affirme que seul un amour adéquat de la patrie peut entraîner la réapparition en France d’une forme d’obéissance légitime puisque consentie. Cet amour de la patrie doit être protégé de ses tendances idolâtriques par trois vertus : la compassion, l’humilité et l’attention. Par ailleurs, nous illustrons les liens entre l’obéissance surnaturelle et la politique, selon Weil, à partir de quatre figures qu’elle estimait admirablement obéissantes : Jeanne d’Arc, Thomas Edward Lawrence, Arjuna (héros de la Bhaghavad-Gita) et Jaffier (l’un des personnages de Venise sauvée, une pièce de théâtre de Weil). Enfin, malgré le caractère foncièrement polysémique de la liberté dans l’œuvre de Weil, nous identifions dans ses idées sur l’obéissance une certaine parenté avec la tradition républicaine. Celle-ci relève de son opposition à la domination et à l’oppression sociale, de sa défense d’un patriotisme non idolâtrique et de ses arguments en faveur d’une citoyenneté active et agonistique. Le républicanisme de Weil critique toutefois la pensée républicaine en proposant d’en surmonter les tendances machistes ou masculinistes. 2020-07-07T18:49:02Z 2020-07-07T18:49:02Z 2020-07-07 Thesis http://hdl.handle.net/10393/40710 http://dx.doi.org/10.20381/ruor-24938 fr application/pdf Université d'Ottawa / University of Ottawa |
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Cette thèse propose d’examiner la conception originale et controversée de l’obéissance dans l’œuvre de Simone Weil. Selon nous, Weil hérite de son professeur de lycée, Alain, une préoccupation pour deux notions qui auront une forte incidence sur sa conception de l’obéissance, soit la nécessité et l’esclavage, ainsi que la conviction que l’ordre social et la liberté exigent des citoyens un double devoir d’obéissance et de résistance aux pouvoirs.
La conception de l’obéissance de Weil est aussi influencée par l’expérience de l’esclavage, essentiellement féminine, qu’elle a vécue en usine pendant l’année 1934-1935. Cette expérience l’amène à approfondir sa réflexion sur les notions de nécessité et de force. Le travail de la politique, selon Weil, consiste à identifier les « vraies » nécessités (à distinguer des « fausses ») auxquelles les individus sont tenus d’obéir. Ces vraies nécessités conduisent Weil à formuler la notion d’« obéissance surnaturelle », laquelle suppose une ambiguïté dans sa compréhension du rapport de l’individu avec la nécessité, entendue à la fois comme liberté et comme esclavage.
En dépit de ce qui précède, nous insistons sur l’opposition de Weil à l’esclavage social, de même que sur son éthique de l’amitié. Pour Weil, les Albigeois incarnaient l’amitié et l’obéissance au sens élevé qu’elle leur accorde, c’est-à-dire comme consentement à un objet d’amour. Weil reprend cet idéal dans l’Enracinement (1943), où elle affirme que seul un amour adéquat de la patrie peut entraîner la réapparition en France d’une forme d’obéissance légitime puisque consentie. Cet amour de la patrie doit être protégé de ses tendances idolâtriques par trois vertus : la compassion, l’humilité et l’attention. Par ailleurs, nous illustrons les liens entre l’obéissance surnaturelle et la politique, selon Weil, à partir de quatre figures qu’elle estimait admirablement obéissantes : Jeanne d’Arc, Thomas Edward Lawrence, Arjuna (héros de la Bhaghavad-Gita) et Jaffier (l’un des personnages de Venise sauvée, une pièce de théâtre de Weil).
Enfin, malgré le caractère foncièrement polysémique de la liberté dans l’œuvre de Weil, nous identifions dans ses idées sur l’obéissance une certaine parenté avec la tradition républicaine. Celle-ci relève de son opposition à la domination et à l’oppression sociale, de sa défense d’un patriotisme non idolâtrique et de ses arguments en faveur d’une citoyenneté active et agonistique. Le républicanisme de Weil critique toutefois la pensée républicaine en proposant d’en surmonter les tendances machistes ou masculinistes. |
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