Summary: | L‟utilité de la théorie de la dissuasion est régulièrement remise en question pour expliquer la relation entre les peines et la criminalité puisque les propriétés objectives de la peine ne semblent pas affecter les taux de criminalité, les perceptions que s‟en font les individus et la récidive des délinquants.
Trois limites conceptuelles des auteurs qui remettent en question la dissuasion sont soulevées. Premièrement, les unités spatiales utilisées sont des territoires sur lesquels plusieurs corps policiers sont en fonction. Il y a donc peu de chances que tous les citoyens présents soient exposés au même message pénal. Deuxièmement, les chercheurs ont mesuré le risque objectif d‟être arrêté à l‟aide d‟un ratio entre le nombre d‟arrestations et le nombre de crimes rapportés. Cette conceptualisation est problématique puisque les résultats d‟autres études suggèrent que les citoyens ont peu de connaissances des propriétés objectives et qu‟il serait, ainsi, intéressant de se référer aux stimuli dissuasifs pour conceptualiser la notion de risques. Troisièmement, pour plusieurs chercheurs, la délinquance est considérée comme une activité pour laquelle les délits impunis découlent du hasard. Pourtant, les délinquants utilisent fréquemment des stratégies pour éviter les autorités policières. Ils sont donc proactifs dans leur impunité.
De ces limites découlent quatre propositions : 1) afin de détecter les réels effets des propriétés de la peine sur la criminalité, les territoires utilisés dans les études doivent représenter des juridictions sur lesquelles un seul corps policier opère; 2) afin de détecter les réels effets des propriétés de la peine sur la criminalité, les études doivent être effectuées avec des données provenant d‟une juridiction dans laquelle les activités de répression sont augmentées significativement par rapport à leur seuil antérieur et maintenue sur une période de temps suffisamment longue; 3) les stimuli dissuasifs observés doivent être considérés comme des expériences vicariantes ; 4) l‟impunité doit être définie comme étant une expérience recherchée par les délinquants.
Deux études ont été réalisées dans le cadre de cette thèse. D‟abord, une étude a été réalisée à l‟aide de données issues des rapports policiers de collisions et des constats d‟infraction rendus. Les résultats montrent que l‟augmentation de la répression policière
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sur le territoire du Service de Police de la Ville de Montréal a fait diminuer le nombre de collisions. Au même moment, les collisions sont demeurées stables sur le territoire desservis par le Service de police de la Ville de Québec. Dans un deuxième temps, une étude perceptuelle a été réalisée avec un échantillon d‟étudiants universitaires. Les résultats démontrent des effets mitigés des stimuli dissuasifs sur les perceptions que se font les individus de leurs risques d‟être arrêté et sur leurs comportements délinquants. Chez les moins délinquants, les stimuli dissuasifs font augmenter la perception que les délinquants se font de leurs risques. Par contre, les plus motivés à commettre des délits de la route développent des stratégies en réaction aux opérations policières plutôt que d‟en craindre les représailles. Ces tactiques d‟évitement n‟assurent pas une impunité totale, ni une perception moins élevée des risques de recevoir une contravention, mais elles retardent le moment où le délinquant sera confronté à la punition. === Deterrence theory has been rightfully challenged when changes in punishment probability or severity had no impact on crime rates, recidivism or risks' perception. We suggest that these unconclusive results are, in large part, caused by theoretical and conceptual flaws. First, changes in objective properties of punishment are assumed to be equally perceived across multiple spatial units or police jurisdictions. We have reason to believe that this is rarely the case. Second, the objective risks of being arrested are generally measured with a ratio between the number of arrests and the number of crimes reported. This conceptualization is problematic because numerous researchers found that people have little knowledge of these objective properties. Third, deterrence research have limited interest for adaptative strategies used by offenders to counteract the perceived increase in punishment severity or certainty. We believe that offenders' actively seek and adopt these avoidance tactics. Four propositions are developed to adress thoses limits: 1) to detect the potential local or micro effects of punishment on crime, different police jurisdictions are analysed separatly; 2) to detect the potential effects of punishment on crime, studies should be made only in jurisdictions where enforcement levels are objectively increasing; 3) observed deterrent stimuli should be regarded as vicarious experiences; 4) impunity must be viewed as an actively seeked experience. Two studies were conducted as part of this thesis. Using reports of crashes and statements of offense reports from the Montreal police traffic unit, the first study found that a sharp increase in the level of police activities had significant impact on the number of collisions. Over the same period, data from the second largest city in the province of Québec (the control area), showed no noticeable increase in punishment probility and consequently, no significant impact on collisions. The second study was based on the perception of risks and patterns of road delinquency for a sample of university students with a driver license. Results show distinctive effects of deterrence stimuli for drivers with different delinquency habits. For conformists drivers, the
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deterrent stimuli increase the perception of risk but had no impact on their (already low) levels of road delinquency. For the most motivated traffic offenders however, deterrence stimuli seem to motivate the use and diversity of arrest avoidance techniques that circumvent any increase in their perception of risks. These avoidance tactics do not provide total impunity but efficiently decrease punishment probabilities for those willing to maintain the same offending patterns.
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