Summary: | Bien que le gouvernement japonais ait historiquement été réticent à l’idée d’établir une politique d’immigration pour remédier au vieillissement de sa population, un nombre chaque année grandissant de migrantes et migrants se rendent au Japon pour y travailler, dans des conditions parfois difficiles. Alors que le gouvernement japonais et les principaux syndicats du pays semblent ignorer les revendications pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, de nombreuses organisations de la société civile offrent leur soutien aux communautés migrantes. Afin de mieux comprendre comment s’organise ce mouvement social contemporain, nous avons procédé à une étude de cas au sein d'un tel groupe de défense des droits de la région de Tokyo, au Japon, par une observation participante et dix entretiens individuels. Pour analyser cette action collective, nous mobilisons le cadre conceptuel développé par Benford et Snow (2000) autour des « processus de cadrage », les « répertoires d'actions » et les « structures d’opportunités politiques » théorisés notamment par Tilly et Tarrow (2015) ainsi que les processus de construction d'une identité collective – l’identization – tels que proposés par Melucci (1996).
Il ressort de nos analyses que le problème central identifié par le groupe de défense des droits correspond à l’absence d’une politique nationale d’immigration. Deux principales solutions sont donc mises de l’avant, soit l’adoption d’une telle politique par l’État japonais et la reconnaissance d’une société multiethnique et multiculturelle. Plusieurs limites subsistent toutefois quant à l’appel à l’action collective. Nos analyses permettent notamment de comprendre comment les principales actions mises en place par l’organisation ont historiquement visé le monde politique et peuvent être par moments peu adaptées au public que constitue la société civile japonaise. De plus, nous avons pu constater que la structure d’opportunités politiques, dont la législation portant sur l’immigration et le travail, favorise et limite de différentes façons l’action collective. Enfin, l’étude des processus de construction d’une identité collective nous a permis de mieux comprendre comment les communautés migrantes et d’origines diverses rencontrent certaines difficultés dans leur implication au sein du mouvement, alors qu’elles peuvent ne pas maîtriser la langue d’usage ou ne pas faire partie des réseaux de solidarités pertinents. === Although the Japanese government has historically been reluctant to establish an immigration policy to address the ageing of its population, an increasing number of migrants travel to Japan each year to work, sometimes under difficult conditions. While the Japanese government and the country's main trade unions are reportedly ignoring demands to improve their living and working conditions, many civil society organizations offer their support to migrant communities. In order to better understand how this contemporary social movement is organized, we conducted a case study within one such advocacy group in the Tokyo region, through participant observation and ten individual interviews. To analyze this collective action, we mobilize the conceptual framework developed by Benford and Snow (2000) around the "framing processes", the "repertoire of contention" and the "political opportunity structure" theorized by Tilly and Tarrow (2015) as well as the processes of building collective identities – identization – as proposed by Melucci (1996).
Our analyses indicate that a central problem identified by the advocacy group is the lack of a national immigration policy. Two main solutions are therefore put forward, namely the adoption of such a policy by the Japanese government and the recognition of a multi-ethnic and multicultural society. However, several obstacles remain with regard to the call for collective action. In particular, our analyses help us understand how the main actions implemented by the organization have historically targeted the political world and may at times be ill-suited for Japanese civil society. In addition, we have seen that the structure of political opportunities, including immigration and labour legislation, facilitates and constrains collective action in different ways. Finally, the study of the construction of a collective identity has allowed us to better understand how migrant and foreign communities encounter a number of difficulties in their involvement in the movement, as they may not master the language or be part of the relevant social networks.
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