Summary: | Cette thèse analyse un processus de changement institutionnel graduel défini comme la fédéralisation de la gouvernance de l’immigration et de l’intégration. Ce processus s’est déroulé au Canada entre 1990 et 2010. Il a comme caractéristique centrale la croissance des activités en immigration et en intégration de tous les gouvernements provinciaux ainsi que le maintien parallèle d’activités du gouvernement fédéral. L’argument central défendu est que les provinces ont joué un rôle de déclencheur et de mainteneurs dans ce processus, qui ne peut donc pas s’expliquer uniquement par une volonté fédérale de décentraliser la gouvernance de l’immigration. L’analyse démontre que la fédéralisation est le résultat de l’interaction, dans le temps, de deux mécanismes : la construction provinciale et la décentralisation. Centrale à cette démonstration est la mise en lumière de l’existence d’une variation structurée dans les politiques, programmes et discours provinciaux en matière d’immigration et d’intégration. En effet, la thèse s’ancre dans la démonstration empirique de quatre modes d’intervention en immigration et en intégration : 1) holistique (Québec et Manitoba), 2) réactif (Ontario et Colombie-Britannique), 3) passerelle (Alberta et Saskatchewan) ainsi que 4) attraction-rétention (provinces atlantiques). Malgré ces différences, l’analyse montre qu’une similarité est partagée par les dix provinces : une conception de l’immigration comme ressource pour la société provinciale.
Le retraçage du processus de fédéralisation s’effectue par le biais d’études de cas des trajectoires provinciales, au sein desquelles il est possible d’observer le fonctionnement et les interactions des deux mécanismes. L’analyse montre que le positionnement temporel des provinces dans le processus de fédéralisation explique en partie les différences dans les modes d’interventions en immigration et en intégration qu’elles ont développés. Plus largement, l’analyse met en lumière l’importance de tenir compte de l’évolution du contexte fédéral pour comprendre la mise en mouvement du mécanisme de construction provinciale en immigration dans les dix provinces canadiennes entre 1990 et 2010.
Les contributions de cette thèse sont les suivantes. Premièrement, nous montrons l’efficacité d’une analyse institutionnelle historique centrée sur les processus de changements institutionnels graduels pour l’étude du fédéralisme et des politiques publiques au Canada. Deuxièmement, nous effectuons une contribution empirique en retraçant et comparant les trajectoires contemporaines des 10 provinces en ce qui a trait au développement de politiques et d’institutions liées à l’immigration et à l’intégration, à l’aide d’entretiens, de l’analyse de documents officiels et de documents d’archives. Troisièmement, notre analyse démontre qu’une analyse mécanistique permet de revitaliser la notion de construction provinciale en augmentant sa portabilité et sa portée explicative. === This dissertation analyzes a process of gradual institutional change defined as a federalization of the governance of Canada’s immigration and integration regime. This process of change unfolded gradually between 1990 and 2010. Its central feature was the growth of the activities of the ten provincial governments in the domains of immigration and integration, coupled with the maintenance of federal activities in these same policy areas. The central argument defended in this dissertation is that provinces acted both as central triggering agents of this process of institutional change, as well as the maintainers of this process Thus, federalization cannot be understood solely as the result of federal decisions to decentralize Canada’s immigration and integration regime. Instead, the analysis shows that this change is the result of the interaction – in time – of two mechanisms: province building and decentralization. Central to this argument is the existence of a structured variation in provincial policy responses, which hints at provincial agency within a specific institutional regime. Indeed, the dissertation’s central argument is rooted in the empirical demonstration of four contemporary modes of intervention in immigration and integration: 1) holistic (Quebec and Manitoba), 2) reactive (Ontario and British Columbia), 3) bridging (Alberta and Saskatchewan), 4) attraction-retention (Atlantic Provinces). Despite this structured variation, one similarity is shared by all of the provinces: a conception of immigration as a resource for provincial societies.
Process-tracing methodologies are used to follow the unfolding of the federalization process, focusing on ten provincial trajectories. This method makes it possible to document the activities and interactions of the two mechanisms in time. The analysis demonstrates that the timing of each province’s engagement in the federalization process partially explains the specificities of their mode of intervention in immigration and integration. More broadly, the analysis highlights important connections between the evolution of Canadian federalism and the activation of a province building mechanism centered on immigration in Canada between 1990 and 2010.
The dissertation makes three contributions. First, it demonstrates the relevance of the historical institutionalist approach, particularly of work focused on gradual processes of institutional change, for the study of Canadian federalism and public policy. Second, the dissertation makes an empirical contribution by comparing ten provincial trajectories of policy development over a twenty-year period, using interviews, official documents and archival materials. Third, the dissertation contributes to a revitalization of the concept of province building by showing that recasting it as a social mechanism can increase both its portability and its explanatory power.
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