Summary: | Au cours du XIIe siècle, au cœur des villes du royaume de France rendues prospères par les développements des échanges commerciaux, apparaît un nouveau monument qui incarne l’autorité du haut justicier local et son emprise sur l’espace urbain. Ce poteau armorié, appelé dès l’origine « pilori », est certes un instrument pénal qui permet d’exposer les criminels à la vindicte populaire. Ses usages sont pourtant plus riches que sa fonction punitive. Le pilori est aussi un outil de prévention du scandale, une institution au service de la paix du marché, où il est implanté, ainsi qu’un symbole de l’état du rapport de forces entre les différentes juridictions urbaines. Alors qu’il est central dans le paysage urbain, l’étude de ce signe de justice a longtemps été délaissée par l’historiographie. Le renouveau continu de l’histoire de la justice médiévale depuis les années 1990 invite à l’analyser avec le même sérieux dont les fourches patibulaires ont récemment bénéficié. Pour rendre compte de la pluralité de facettes du pilori et de la peine qui porte son nom, nous avons privilégié une approche anthropologique, centrée sur les parcours des agents confrontés à ces objets juridiques. Cela nous a amené à explorer les stratégies discursives des juges et juristes qui ont contribué à l’invention du pilori, puis à sa rapide diffusion dans tout le royaume. Nous observons ensuite comment les sens et usages de la peine d’exposition évoluent à mesure que de nouvelles juridictions s’en emparent. En parallèle, nous décrivons la prise en charge du rituel d’exposition par le public, moment de refondation, autour du personnel de justice et aux dépens du condamné, d’une confiance commune. Enfin, une sociographie des condamnés au pilori débouche sur une réflexion plus large visant à brosser le devenir des infâmes dans la société médiévale. === During the 12ᵗʰ century, at the heart of the French kingdom’s towns that thrive thanks to the development of trade, a new monument, embodying the local high justice and its foothold on the urban space, emerges. While this armorial stake, called « pillory » from the beginning, is indeed a penal device used to submit criminals to popular punishment, it has many other uses. The pillory also prevents scandals, helps protect peace on the market, where it stands, and embodies the balance of power between the different urban jurisdictions. Despite the pillory’s central location in the urban landscape, its study has been long neglected by historiography. The ongoing renewal of medieval justice studies since the 1990s encourages an analysis of the pillory as thorough as the recently-studied gallows have been. In order to expose the many facets of both the pillory and the punishment bearing the same name, an anthropological approach was favored, focusing on the stories of all the different people who were faced with these objects of justice. This brought us to explore the storytelling strategies of the judges and lawyers who contributed to the pillory’s invention and its subsequent fast spread throughout the entire kingdom. We then observe how the meanings and uses of the public exhibition sentence evolve as new jurisdictions make it their own. In the meantime, we describe how the public takes over the penal ritual, and how it rebuilds trust in each other. Finally, a sociography of the convicted to the pillory leads to broader thoughts on the fate of the infamous in medieval society.
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