Oubli, sommeil et plasticité synaptique : une approche électrophysiologique in vivo chez le rat

L'oubli est une perte temporaire ou permanente de mémoire, que l'on perçoit souvent de manière déplaisante lorsqu'elle nous empêche d'accéder à un savoir que l'on a acquis. Cependant, des découvertes récentes suggèrent que l'oubli peut aussi être un processus adaptatif...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Missaire, Mégane
Other Authors: Lyon
Language:fr
Published: 2019
Subjects:
Rat
610
Online Access:http://www.theses.fr/2019LYSE1187
Description
Summary:L'oubli est une perte temporaire ou permanente de mémoire, que l'on perçoit souvent de manière déplaisante lorsqu'elle nous empêche d'accéder à un savoir que l'on a acquis. Cependant, des découvertes récentes suggèrent que l'oubli peut aussi être un processus adaptatif permettant d'optimiser notre mémoire, en effaçant des informations non pertinentes susceptibles d'interférer avec le stockage ou le rappel de nouvelles informations. Ainsi, l'oubli adaptatif est particulièrement essentiel au fonctionnement de notre mémoire à court terme ou mémoire de travail (MT), car les informations qui y sont stockées doivent être oubliées une fois utilisées. A l'inverse, des informations peuvent être stockées pendant toute une vie dans la mémoire à long terme ou mémoire de référence (MR) chez l'animal. Les mécanismes cellulaires et moléculaires sous-tendant le stockage des informations en mémoire mais également leur oubli adaptatif restent mal connus. Au cours de cette thèse, nous avons adopté une approche comparative et utilisé trois tâches comportementales chez le rat au sein d’un même labyrinthe radial : une tâche de MR et deux tâches de MT impliquant un oubli adaptatif plus ou moins efficace. Nous avons étudié la transmission synaptique à la synapse entre le cortex entorhinal et le gyrus denté (voie d’entrée de l’hippocampe, structure clé de la mémoire) entre les deux jours d’apprentissage de ces trois tâches. Nous avons montré que la consolidation mnésique (en MR) induit un phénomène de potentialisation synaptique à long terme (proche d'une LTP), comme attendu d’après la littérature. A l'inverse, nous avons montré pour la première fois que l’oubli adaptatif en MT induirait une dépression synaptique à long terme. De plus, de nombreuses études suggèrent l’implication du sommeil dans la mémoire, mais le rôle des différentes phases de sommeil dans la consolidation mnésique ainsi que leur rôle dans l’oubli adaptatif reste ambigu. Nous avons donc également réalisé des enregistrements polysomnographiques (entre les deux jours des tâches), afin de quantifier la durée des états sommeil et la puissance des oscillations cérébrales. Nous avons ainsi confirmé le rôle du sommeil paradoxal, et plus particulièrement de ses oscillations gamma, pour la consolidation mnésique en MR. A l’inverse, l’oubli adaptatif en MT serait favorisé par les oscillations lentes du sommeil lent. Ces résultats représentent une contribution significative non seulement aux mécanismes neuronaux sous-tendant la mémoire et l’oubli adaptatif, mais également aux modulations de ces mécanismes par le sommeil. Nous avons donc montré que la consolidation mnésique induit un phénomène physiologique de potentialisation synaptique proche d'une LTP. Or l’induction artificielle de LTP par stimulation tétanique est considérée comme un modèle cellulaire de la mémoire. Notre second objectif a été d'évaluer l'impact de la modulation des états de sommeil sur une LTP, cette-fois-ci induite artificiellement (dans les mêmes conditions à la même synapse chez le rat vigile). Nous voulions ainsi comparer l'effet de la modulation du sommeil sur une potentialisation physiologique (après apprentissage) ou sur une LTP artificielle. Nous avons montré de nombreuses similitudes entre ces deux situations de potentialisation synaptique, notamment en ce qui concerne le rôle favorable du sommeil paradoxal, ce qui confirme l’intérêt de la LTP artificielle pour l’étude de la mémoire. Enfin, notre étude montre que non seulement le sommeil, mais également les oscillations de l'éveil contribuent à la mémoire et l’oubli. Nous avons analysé les oscillations locales dans le gyrus denté au cours des trois tâches comportementales déjà décrites. L'importante résolution spatiale et temporelle de cette analyse nous a permis d'identifier l'implication de certaines oscillations locales à des moments cruciaux de prise de décision dans le labyrinthe, au cours de l'encodage et du rappel d'informations stockées en MR ou en MT === Forgetting is a temporary or permanent loss of memory, often perceived as deleterious to our cognitive abilities, especially when it prevents us from accessing information we previously acquired. However, recent studies in Neurosciences suggest that forgetting could also be an adaptive phenomenon that would optimize memory function by erasing non relevant information, that could otherwise interfere with the storage or recall of new information. Therefore, adaptive forgetting would particularly be necessary for daily activities relying on short-term or working memory (WM), as information temporarily stored in WM need to be forgotten once used, so that this temporary information does not interfere in the future with the storage and recall of newer information. On the contrary, information can be stored for a lifetime in long-term or reference memory (RM) in animals. The molecular and cellular mechanisms underlying memory storage of information, but also adaptive forgetting, are still unclear. During this thesis, we used a comparative approach by training rats in three different behavioral tasks in the same radial maze: one RM task and two WM tasks involving a more or less effective adaptive forgetting process of previously stored information. We studied synaptic transmission at the synapse between the entorhinal cortex and the dentate gyrus (gating hippocampus, a key structure for memory) between two days of training in these three tasks. Our results show that memory consolidation (in RM) induces a form of long-term potentiation (LTP-like), confirming previous published work from the literature. However, we showed for the first time that adaptive forgetting in WM could trigger long-term synaptic depression. Moreover, numerous studies suggest that sleep is important for optimal memory processing, but the role of the different sleep phases in memory consolidation and in adaptive forgetting remains to be elucidated. We thus also performed polysomnographic recordings (between the two trainings days in the three behavioral tasks), in order to measure sleep state durations and sleep oscillations associated with these processes. Our results confirm the essential role of paradoxical sleep, and more specifically gamma oscillations during this state, for memory consolidation in RM. On the contrary, we also found that adaptive forgetting in WM would benefit from slow oscillations during slow wave sleep. We believe that these results contribute significantly to our understanding of neuronal mechanisms underlying memory and forgetting, especially concerning the modulation of these mechanisms by the different sleep states following training. On the one hand, we thus here showed that memory consolidation induces an LTP-like physiological phenomenon. On the other hand, the induction of an artificial form of LTP by tetanic stimulation is considered a cellular model of memory. Our second goal was to assess the modulation of an artificial LTP (at the same synapse, in the same conditions, on freely-moving rats) by sleep states. We also wanted to compare the impact of sleep states on a physiological LTP-like process (after learning) or on an artificial LTP. Our results showed many similarities between these two situations of synaptic potentiation, in particular concerning the positive role of paradoxical sleep, confirming the relevance of artificial LTP as a model to study memory processes. Finally, our study shows that not only sleep, but also oscillations during waking, could contribute to memory and forgetting. We therefore analyzed local spontaneous oscillations in the dentate gyrus while rats were performing the three behavioral tasks previously described. The high spatial and temporal resolution of this analysis allowed us to show the role of different local spontaneous oscillations at critical moments of training in the maze, in particular during decision making, and during encoding or retrieval of information stored in RM or WM