Summary: | Alors que le vote connaît un poids symbolique croissant dans le système français de relations professionnelles, notamment depuis la réforme de la représentativité syndicale de 2008, la science politique et la sociologie des relations professionnelles ne se sont que très marginalement intéressées à la pratique électorale dans le champ professionnel. Au croisement de ces deux disciplines, ce travail de thèse a pour ambition, en s'appuyant sur les modèles explicatifs du vote proposés par la sociologie électorale, de restituer les logiques individuelles, contextuelles et environnementales de la mobilisation et du choix électoral des salariés lors des scrutins professionnels.Pour ce faire, notre travail, qui se concentre sur les salariés du secteur privé, mobilise et croise des matériaux quantitatifs et, dans une moindre mesure, qualitatifs, collectés à plusieurs niveaux : la base de données électorales MARS (Mesure d'audience pour le calcul de la représentativité syndicale), les données des enquêtes REPONSE (Relations professionnelles et négociations d'entreprise) et SRCV (Statistiques sur les ressources et conditions de vie) ainsi qu'une enquête par questionnaire réalisée auprès d'agents de Pôle Emploi.A la lumière de ces matériaux, il apparaît que les comportements électoraux des salariés aux scrutins professionnels, loin d'être inexplicables, dépendent de logiques sociales. Toutefois, si les modèles proposés par la sociologie électorale s'avèrent relativement pertinents, il apparaît nécessaire de les adapter aux spécificités du champ professionnel. Ainsi, à l'image de ce qu'observe Daniel Gaxie dans le champ politique, un « cens caché » de la « démocratie sociale » apparaît. Mais les barrières invisibles mises en évidence sont bien plus liées aux conditions et aux contextes de travail des salariés qu'au capital scolaire dont ils disposent : ce sont les salariés les plus précaires, les moins intégrés professionnellement, les plus jeunes ou encore les salariés des petites entreprises qui sont à la fois moins confrontés au vote et qui, lorsqu'ils peuvent effectivement voter, s'abstiennent significativement plus. De la même manière, si la mobilisation et le choix électoral des salariés dépendent des contextes dans lesquels leurs votes sont produits, ce sont les interactions nouées dans le travail, entre les salariés et leurs représentants ou entre les salariés eux-mêmes, qui sont déterminantes.Mettre ainsi au jour les ressorts des votes des salariés aux scrutins professionnels permet de contribuer non seulement à l'étude des relations professionnelles, mais aussi aux discussions autour des modèles explicatifs du vote en sociologie électorale, d'autant plus que la participation aux scrutins politiques et la participation aux scrutins professionnels s'articulent fortement. === While the vote has a growing symbolic weight in the French system of industrial relations, especially since the reform of union representativeness in 2008, political science as well as industrial relations and labour studies have shown only marginal interest for electoral practices in the professional field. At the crossroads of these two disciplines, this thesis aims to render the individual, contextual and environmental logics of electoral mobilization and choice during workplace elections, building on the explanatory models of voting proposed by electoral political sociology.To this end, our thesis, which focuses on private sector employees in France, mobilizes and combines quantitative and, to a lesser extent, qualitative materials, collected at several levels: the MARS electoral database (Audience Measurement for the Calculation of Union Representativeness), the data from the REPONSE surveys (Industrial Relations and Company Negotiations) and from the 2010 SRCV survey (Statistics on Incomes and Living Conditions) as well as a questionnaire survey carried out among Pôle Emploi employees.In light of these materials, it appears that the workers’ electoral behaviour in professional elections, far from being inexplicable, depends on social logics. However, if the models proposed by electoral sociology prove relatively relevant, it appears necessary to adapt them to the specificities of the professional field. Thus, in the same way as Daniel Gaxie observed for the political field, there appears to be a "hidden census" in "industrial democracy". But the highlighted invisible barriers are much more related to the employees’ working conditions and contexts than to their educational capital: those who are both less likely to face workplace polls and, when they can actually vote, significantly more likely to abstain, are the most precarious employees, the least professionally integrated, the youngest as well as those employed in the smallest businesses. Similarly, if the employees’ electoral mobilization and choices depend on the contexts in which their votes are produced, what is decisive are the interactions in the workplace between the employees and their representatives or between the employees themselves.To reveal the reasons for employees' votes in professional polls helps to contribute, not only to the study of industrial relations, but also to the discussion on the explanatory models of voting in electoral sociology, especially since participations at political and workplace elections are closely linked.
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