Summary: | En régime néolibéral mondialisé, l'appartenance à un groupe professionnel n'est plus une protection assurant à l'ensemble des membres, prestige social et revenus confortables. C'est ce que montre la série de 31 entretiens biographiques menés auprès d’une trentaine de médecins originaires d'Afrique de l'Ouest francophone (MoAO) entre 2009 et 2015. La catégorie MoAO, construite pour les besoins de l’étude, renvoie à des médecins nés dans un pays francophone d’Afrique au Sud du Sahara, qui y ont suivi une partie de leur formation (primaire, secondaire et universitaire), qui ont migré temporairement ou de façon définitive dans un autre pays soit pour acquérir une formation initiale en médecine, soit pour se spécialiser. Les MoAO sont traités ici en cas d’étude fondée sur une approche transnationalisée. Ils permettent de mettre en évidence la complexité et la multiplicité des évolutions sociales et économiques qui obligent la sociologie des professions médicales à mettre à jour ses outils conceptuels et théoriques. Plusieurs hypothèses sont explorées à cet égard. La professionnalité médicale recouvre des processus imbriqués d'acquisition des savoirs professionnels par la formation, d'individualisation des carrières professionnelles débordant des normes communément considérées. Ainsi sont décrites la forte autonomisation et la diversification des parcours de formation en médecine favorisées par l’internationalisation et la constitution d’un marché international de l'enseignement supérieur. De même, la privatisation galopante de la formation médicale observée en Afrique remet en cause le mythe de la totale autonomie de la profession médicale. Elle accompagne au Bénin et au Sénégal, le désengagement de l’Etat donnant une place de plus en plus importante aux organisations internationales (ONU, OMS, ONG) pour l’élaboration et la mise en œuvre de programmes de santé, aux institutions supranationales (UEMOA, CAMES) pour l’élaboration des curricula de formation et l’accréditation des formations médicales, et des structures privées (cliniques, cabinets médicaux, centres de santé sous gestion d’ONG) pour la fourniture des soins et des services de santé. Un tel contexte est fortement structurant dans les carrières professionnelles et migratoires des praticiens enquêtés. La thèse s’intéresse ensuite aux modes d’insertion professionnelle des MoAO en France. L'Etat français a lui-même transgressé le monopole dont bénéficient les professionnels français et à diplôme français pour l'exercice de la médecine, en organisant le recrutement par les hôpitaux publics de médecins étrangers « non autorisés ». Les MoAO n'en représentent qu'une partie des Praticiens à diplôme hors Union européenne. Mais leur parcours permet d'engager la réflexion nécessaire sur la division du travail médical (entre les Nationaux et les étrangers notamment) et les enjeux en termes de reconnaissance notamment portés par les conflits au travail, et par la migration elle-même. === In the globalized neoliberal regime, belonging to a professional group is no longer a protection that ensures all members, social prestige and comfortable incomes. That is what can be learned from 31 biographical interviews conducted with French-speaking West African physicians (MoAO) between 2009 and 2015. The category MoAO, built for the needs of the study, refers to physicians born in a French-speaking African countries in south of the Sahara where they have attended primary, secondary and university training. Then they have migrated temporarily or permanently to another country to acquire a initial training in medicine, either to specialize. The MoAO are treated as study case. They highlight the complexity and multiplicity of social and economic developments that force the sociology of the medical profession to update its conceptual and theoretical tools. Several hypotheses are explored in this regard. Medical professionalism covers interrelated processes of acquisition of professional knowledge through training and individualization of professional careers, beyond commonly considered standards. Thus, self- construction of curricula and diversification of medical training paths, favored by the internationalization of higher education’s market, are described. Similarly, the rampant privatization of medical training in Africa challenges the myth of the autonomy of the medical profession. In Benin and Senegal, this accompanies the disengagement of the States, giving an increasingly predominant place to international organizations in the elaboration and implementation of health programs, to supranational institutions for the development of training curricula and medical training accreditation, to the private structures for the provision of health care and services. The thesis then focuses on the modes of professional integration of MoAOs in France. The French State itself has violated the monopoly granted to French professionals with a French diploma on te medical work market, by organising the recruitment of "unauthorised" foreign doctors. MoAOs represent only a fraction of the practitioners with a degree from outside the European Union. But their experience allow to initiate a necessary reflection on the division of medical work (between nationals and foreigners in particular), as well as on the recognition issues related to conflicts at work, and to the migration itself.
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