L'écriture de la voix. Poétique du rondeau sans musique à la fin du Moyen Âge (1350-1465)

Forme héritée du rondet de carole devenue un genre polyphonique à l’époque de l’ars nova, le rondeau s’est paradoxalement développé, à la fin du Moyen Âge, en tant que genre poétique sans musique. Cette thèse se propose ainsi d’étudier comment, de Guillaume de Machaut à Charles d’Orléans, une forme...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Sieffert, Mathias
Other Authors: Sorbonne Paris Cité
Language:fr
Published: 2018
Subjects:
Online Access:http://www.theses.fr/2018USPCA066
Description
Summary:Forme héritée du rondet de carole devenue un genre polyphonique à l’époque de l’ars nova, le rondeau s’est paradoxalement développé, à la fin du Moyen Âge, en tant que genre poétique sans musique. Cette thèse se propose ainsi d’étudier comment, de Guillaume de Machaut à Charles d’Orléans, une forme à la fois brève et répétitive a su paradoxalement s’imposer comme un genre textuel autonome. La première partie de ce travail, « Le fantôme de la voix », envisage la dette que le rondeau textuel doit à la tradition musicale. Après un essai de définition diachronique, nous interrogerons l’effet de l’absence de musique sur l’évolution de la mise en page du rondeau, puis la manière dont les récits à interpolations lyriques jouent de l’imaginaire musical, vocal et épistolaire d'une forme "hantée". La deuxième partie, « L’espace du manuscrit » interroge les « mises en livres » du rondeau. Une typologie distinguant la "collection hybride", la "section" et le "canzoniere", initie un parcours dans les manuscrits de Machaut, Froissart, Christine de Pizan, Eustache Deschamps, Oton de Granson et Jean de Garencières. Nous proposons une analyse détaillée d’un cas particulier : les chançons de Charles d’Orléans, copiées vers 1440 dans le fonds primitif du BnF fr. 25458. Dans la troisième partie, il s’agit de concevoir la naissance d’un « genre », qui se cristallise dans le goût de l'énigme et le choix de l’ornatus difficilis, alors même que la forme se prêtait davantage, au XIVe siècle, à l’ornatus facilis. Les deux derniers chapitres étudient la circulation, la réécriture et le recyclage de refrains intertextuels au sein de plusieurs recueils collectifs transformés, par le mélange de l'ancien et du nouveau, en véritables « anthologies créatives ». === Nherited from the 13th-Century rondet de carole, the rondeau became a polyphonic musical genre at the age of the ars nova, and tends to be used, in 14th and 15th Centuries manuscripts, as a textual lyric. This thesis uncovers how, from Guillaume de Machaut to Charles d’Orléans, a short and redundant poetical text, which was supposed to be sung became non musical poetry. In the first part of this study we consider the textual rondeau as a rhetorical « ghost of a voice » : we study the history and genealogy of the form from a musical and rhetorical perspective, show how the absence of music impacts the layout and how fiction and narrative relocate the interpolated textual rondeaux in a vocal, musical or epistolary horizon. The next part investigates the way scribes and poets gather collections of rondeaux from a codicological perspective. We offer a typology that distinguishes « hybrid collections », « sections » and « canzonieri ». Through these three kinds of « mises en recueil », we analyze the use of the rondeau in manuscripts from Machaut, Froissart, Christine de Pizan, Eustache Deschamps, Oton de Granson and Jean de Garencières, which finally leads to a detailed analysis of the chançons by Charles d’Orléans, written c. 1440 in the BnF fr. 25458. The last part examines the rise of a scriptural genre : the poetical evolution of the rondeau reveals a rhetorical shift from the ornatus facilis to the ornatus difficilis, especially with Charles d’Orléans who initiates a fully bloomed literary genre. We then analyze, in the last two chapters, collective practices of quoting and rewriting to show how the rondeau becomes a scriptural game, consisting in expanding and recycling ambiguous formulas, especially in a new kind of collections we call « creative anthologies ».