Summary: | À rebours d’une croyance solidement installée, il n’existe pas d’ordre public inhérent au droit patrimonial de la famille. L’ordre public est une notion juridique singulière qu’il ne faut pas galvauder en la confondant avec d’autres limites à la liberté contractuelle : les bonnes mœurs, les droits fondamentaux et, en particulier, les lois impératives. Si toutes les lois d’ordre public sont impératives, la réciproque n’est pas vérifiable : toutes les lois impératives ne sont pas nécessairement d’ordre public. Bien qu’il se dérobe depuis toujours à l’exercice d’une définition, l’ordre public est par nature attaché à la sauvegarde de l’intérêt général. Par conséquent, il est proscrit d’y renoncer par anticipation et sa violation demeure fermement sanctionnée. Dans sa mise en œuvre judiciaire, le ministère public dispose d’une action pour poursuivre toute atteinte à l’ordre public et le juge a le pouvoir – sinon le devoir – de soulever d’office ce moyen. En l’absence de ces caractéristiques traditionnelles (qui sont autant d’éléments de définition), il devient téméraire de retenir la présence d’un ordre public ; sauf à prendre le risque de dévoyer la notion en la contorsionnant et en effaçant ses marqueurs distinctifs. Aucun de ces traits n’étant identifiable en droit patrimonial de la famille, l’idée selon laquelle il existerait un « ordre public patrimonial » (parfois qualifié de « matrimonial » ou de « successoral ») mérite d’être repoussée. En cette matière, les règles qui s’affirment de façon péremptoire sont des règles simplement impératives, qui ne participent pas à la mise en œuvre d’un quelconque ordre public. La distinction entre l’ordre public et les lois impératives n’est pas que théorique, ni même sémantique : elle emporte aussi (et surtout) d’importantes conséquences pratiques. Ce faisant, la thèse défendue permet de renouer avec les évolutions récentes observables en droit patrimonial de la famille (contractualisation, déjudiciarisation, subjectivisation, fondamentalisation...), tout en permettant de mieux comprendre les transformations qui affectent la société et la famille. Plus généralement, elle contribue à repenser les rapports entre la liberté contractuelle et la règle de droit, en montrant qu’il peut exister en droit civil des règles qui – bien qu’impératives – ne procèdent pas de la réalisation d’un ordre public. === Unlike a strongly held belief, there exists no public order inherent in family property law. Public order is a significant legal concept which should not be overused by confusing it with other limits of contractual freedom : accepted standards of behaviour, fundamental rights and, especially, imperative laws. If all public order laws are imperative, reciprocity cannot be verified : all imperative laws are not necessarily public order laws. Though it is always evasive when attempting to find out a definition, public order is inherently related to safeguarding the general interest. Accordingly, it is forbidden to give it up by anticipation and infringing it is strongly punished. Through its legal proceedings, the public prosecution is acting to prosecute any breach of public order and the judge holds the power – and further the duty – to institute ex-officio such legal proceedings. In absence of such traditional features (which are so many elements of definition), it becomes rash to retain the presence of a public order ; unless taking the risk of diverting the concept by twisting it and cancelling its distinctive landmarks. As none of such features is identified in family property law, the idea upon which a "patrimonial public order" (sometimes referred to as "matrimonial" or "succession-related") would exist, deserves to be rejected. In this respect, rules peremptorily asserted are simply imperative rules, which are not involved in any whatsoever public order implementation. Distinction between public order and imperative laws is not only theoretical, nor even semantic : it further (and especially) entails significant practical consequences. In doing so, defended thesis helps reviving the latest developments being observed in family property law (contractualisation, diversion, subjectivization, "fundamentalisation"...), while allowing to better understand shifts affecting society and family. In more general terms, it helps reconsidering relations between contractual freedom and the rule of law, by showing that there may exist, in civil law, rules which – though being imperative – do not result from the achievement of a public order.
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