Summary: | S’inscrivant dans le cadre d’une littérature qui proclame le renouveau, l’écriture de Chevillard procède à l’expérimentation et aux jeux entre la norme et la distorsion, entre le retour et le détour, avec et contre le roman. Le discontinu s’avère un pont primordial sur lequel se tracent ces enjeux littéraires. À travers le décryptage de la mise en scène esthétique de la discontinuité, le présent travail vise la sollicitation et l’interprétation des différentes manifestations de la rupture et de la dislocation, génératrices de l’éclatement de la narration, de l’écriture digressive et métaleptique, et de la complexité de la lecture. Renforcés par la portée ludique et comique, ainsi que par l’abolition des frontières entre le fictif et le réel, avec ses clichés et ses stéréotypes, de tels procédés se révèlent au service de la vision ironique et critique qui contre-attaque ce que Chevillard appelle le « bon vieux roman ». De ce fait, la lecture du roman chevillardien ne devrait plus se stagner au niveau de la déconstruction et du discontinu, mais elle présuppose le déchiffrage d’une unité profonde que camouflent l’incohérence et la rupture, signes de provocation et de dérangement d’un lecteur complice de l’acte diégétique et esthétique de l’œuvre. Ce lecteur ne serait pas une instance naïve manipulée, mais une instance critique « compétente » qui, emportée par l’émotionnel, entre en communication avec le texte. De ce fait, les idées et la réflexion de ce lecteur dynamique seraient confrontées à celles de l’écrivain, et son raisonnement aboutirait à une reconstruction de la déconstruction, par la production du sens et la participation performative à la fictionnalisation du récit. La « jouissance du texte » naît d’une telle créativité coopérative et intelligente, qui admet le dérangement, déjoue la complexité et dégage l’essence poétique du roman. === Being part of a literary movement that proclaims renewal, Chevillard's writings proceed in experimentation and games between norm and distortion, the return and the detour, with and against the novel. Discontinuity proves to be a primordial bridge which such literary matters draw on. Through the decoding of the aesthetic staging of discontinuity, the present work aims at the solicitation and interpretation of the different manifestations of rupture and dislocation, generated by the bursting of narration, digressive and metaleptic writing as well as reading complexity. Reinforced by the playful and comical range in addition to the abolition of the borders between the fictitious and the real, its clichés and stereotypes, such processes turn out to be in the service of the ironic and critical vision that counter-attacks what Chevillard calls the "Good old novel." As a result, the reading of the Chevillardian novel should no longer stagnate at the level of deconstruction and discontinuity, but on the contrary it presupposes the deciphering of a deep unity that camouflages incoherence and rupture, the signs of provocation and disturbance of an accomplice reader of the diegetic and aesthetic act of the work. This reader would not be naïve and manipulated, but a critical and "competent" entity, which, carried away by the emotional, enters into communication with the text so that its ideas and reflection are confronted with those of the writer, and his reasoning results in a reconstruction of deconstruction through the production of meaning and the performative participation in the fictionalization of the narrative. The enjoyment of the text is born of such a cooperative and intelligent creativity that plays with the disturbance, thwarts the complexity and releases the poetic essence of the novel.
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