Summary: | Dans un contexte de montée des revendications sociales et de crise des modèles de développement, ce travail interroge les transformations des territoires oasiens du sud tunisien à partir d’une analyse de la diversification des pratiques de mise en valeur des ressources locales. La recherche porte une attention particulière aux innovations économiques, sociales et techniques qui caractérisent certaines formes émergentes de valorisation et à la dimension politique qu’elles revêtent. Adoptant une approche de géographie sociale, l’analyse s’appuie sur une comparaison de l’oasis continentale de Tozeur et de l’oasis littorale de Gabès permettant de cerner la diversité des processus qui influencent les dynamiques de ces territoires. Cette démarche met en question une approche des oasis comme des milieux d’exception et souligne la nécessité d’intégrer dans l’analyse la diversité des acteurs déployant leurs stratégies dans les territoires oasiens et de réinsérer ces derniers dans leur contexte politique régional et national. Il ressort de l’analyse que la transformation des territoires oasiens est caractérisée par des dynamiques en partie contradictoires ; d’un côté les politiques nationales de développement ont eu pour effet de marginaliser les oasis anciennes, les soumettant à une série de menaces – désertification, urbanisation, abandon – qui remettent en cause leur pérennité ; de l’autre côté, la montée de préoccupations environnementales et l’émergence de nouvelles demandes touristiques et en matière de cadre de vie a favorisé une dynamique de requalification patrimoniale des oasis procédant d’une idéalisation de leurs systèmes traditionnels médiatisée par une scène associative en pleine expansion. La diversification des formes de valorisation des territoires oasiens – entre petite agriculture familiale, projets d’agrobusiness, activités de loisirs, agroécologie ou écotourisme, induisent aussi des concurrences accrues pour l’accès aux ressources foncières et hydriques et un renforcement du processus de différenciation sociale et spatiale au sein des territoires oasiens. Ainsi, les phénomènes observés soulignent l’ambivalence de cette dynamique de « sauvegarde des oasis », de plus en plus politisée, qui participe au débat sur la redéfinition des modèles de développement dans la Tunisie post2011. === In a context of rising social demands and a crisis in development models, this work questions the transformations of the oasis territories of southern Tunisia drawing on an analysis of the diversification of practices of local resource exploitation. The research devotes particular attention to the economic, social and technological innovations that characterize certain emerging forms of valorization and to the political dimension they carry. Adopting a social geography approach, the analysis is based on a comparison of the continental oasis of Tozeur and the coastal oasis of Gabès, making it possible to identify the diversity of the processes that influence the dynamics of these territories. This approach calls into question an understanding of oases as exceptional environments and underlines the need to integrate into the analysis the diversity of actors deploying their strategies in the oasis territories and to reintegrate the latter into their regional and national political context. The analysis shows that the transformation of oasis territories is characterized by partly contradictory dynamics; on the one hand, national development policies have had the effect of marginalizing ancient oases, subjecting them to a series of threats – desertification, urbanization, abandonment that call into question their sustainability; on the other hand, the rise of environmental concerns and the emergence of new tourism and living environment related demands has fostered a dynamics of heritage requalification of oases based on an idealization of their traditional systems that is publicized by a booming associative sector. The diversification of valorization forms of oasis territories ranging from small family farming to agribusiness projects and leisure activities, agroecology or ecotourism also leads to increased competition for access to land and water resources and to a strengthened process of social and spatial differentiation within oasis territories. Thus, the phenomena observed underline the ambivalence of this increasingly politicized "oasis preservation" dynamics that contributes to the debate on the redefinition of development models in post 2011 Tunisia.
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