Summary: | L’histoire de la République démocratique allemande (RDA) est un sujet d’enseignement en Allemagne de l’Est et de l’Ouest et, avec beaucoup moins d’heures de cours, aussi en France. L’enseignement d’histoire de la RDA à l’école est la première occasion d’une transmission du savoir sur cet État disparu. Cette transmission est encadrée par une volonté politique qui se reflète dans les programmes d’éducation. En comparant l’enseignement en Allemagne de l’Ouest, de l’Est et en France, les mécanismes de mémoire collective et d’appropriation deviennent visibles : Quel contenu entre dans l’enseignement et comment ? À quel moment surgissent des conflits d’interprétations ?Afin de mieux comprendre la circulation et la transmission du savoir, l’étude suit trois chemins différents. D’abord, l’enseignement de la RDA après 1990 est étudié dans les champs de l’éducation scolaire de deux pays ainsi que dans les activités pédagogiques des musées d’histoire. Ensuite, les manuels comme médias de transmission sont objets de l’analyse. Enfin, du côté de la réception, des leçons d’histoire de trois classes de lycée ont été observées et ensuite interprétées.Les interprétations les plus d’importants de la RDA sont celle d’ « État SED » (Klaus Schroeder), de « dictature de sollicitude » (Konrad H. Jarausch), de « dictature de participation » (Mary Fulbrook) et d’« obstination » (« Eigen-Sinn ») (Alf Lüdtke). De manière générale, les représentants d’une interprétation politologique et ceux de la sociohistoire se disputent la vue « juste » de la RDA. Chez les premiers, la dominance du parti communiste SED avec ses mécanismes de pouvoir caractérise la constitution de l’État et de la société. Les socio-historiens regardent la relation complexe du pouvoir comme une pratique sociale avec les stratégies des citoyens de s’arranger avec ce pouvoir dans la vie quotidienne.En résumé, l’enseignement de l’histoire de la RDA est influencé par cinq domaines, dont un ne se démarque pas entièrement de l’autre : par la politique du passé, par l’Histoire en tant que science sociale, par la présence publique, par le marché des éditions scolaires et par la mémoire familiale. Les médiateurs du savoir qui agissent entre la politique du passé, l’Histoire et la présence publique ont le plus d’influence sur l’enseignement. Ce sont des commissaires dans les musées, des membres de comités qui préparent les programmes, mais aussi des professeurs au lycée. La réception du savoir des élèves, par contre, dépend plus des domaines du marché – du manuel et son récit de la RDA –, ainsi que de la mémoire familiale et la présence de la RDA dans les médias. Le cours d’histoire est influencé par ces trois domaines. La présence publique du discours sur la RDA y devient souvent visible lorsque les élèves et le professeur présentent des anecdotes de films et de documentaires. Moins visibles sont la mémoire familiale et la logique du marché des éditions scolaires.Comparant la transmission et la réception, l’hypothèse préalable, selon laquelle les élèves savent très peu et relativisent le caractère de dictature de l’État faute de connaissances, se modifie. L’étude montre que beaucoup de jeunes possèdent un savoir informel sur le passé socialiste de l’Allemagne de l’Est. Ce savoir informel ne peut pas forcément être représenté dans un questionnaire. De plus, une relation causale entre le manque de savoir et la banalisation de la RDA n’existe pas. Plus précisément, l’interprétation d’une RDA minimisée, défendue par les élèves à Leipzig, est basée sur la culture matérielle de l’État disparu et n’exclut pas l’interprétation de la RDA comme « État SED ». Dans la classe est-allemande, la banalisation de la RDA par les élèves n’apparait pas comme étant le résultat de leur ignorance mais plutôt comme étant, d’une part, de l’attachement à l’héritage dévalorisé de la RDA, et, d’autre part, le reflet de la loyauté exprimé par leurs parents et grands-parents === The former German Democratic Republic (GDR) is a subject of history lessons in boarding schools both in Germany and in France. As the remembrance of the GDR is a highly debated topic, history lessons on the socialist state reflect conflicts of interpretation that circulate between the spheres of academic and public discourse and political education. The study looks on interpretations of the GDR developed in history lessons and the influence of the various plots of the state’s history in mass media, academic discourse and history politics on the lessons.The teaching of GDR history is influenced by five spheres: policy, academic history, public discourse, the textbook market and the family’s communicative memory. The actors who mediate between academia, public discourse and history/educational policy show the biggest influence on contents and forms of teaching: they are curators in museums, members of curricular committees or teachers at schools. How pupils appropriate GDR history is more influenced by family, the educational market with its textbooks and by public discourse, less by academia and policy.The study showed that the agency of teachers as filters of curricular knowledge has more impact than the political control of curricula and textbook suggests. Besides their duty as knowledge filters teacher have to moderate between different sources of knowledge which become visible during the lessons.In the field of transmission of knowledge at school, the same conflicts appear as in the field of education in memorials and museums. Whereas the memory of dictatorship has become dominant since 1990 and the tandem of repression and rebellion remain the most important aspects of GDR history in curricula and public discourse, the so-called ‘memory of arrangement’ survived as the East German counter-memory. It still appears in the case of a grammar school class in Leipzig in 2014, whose pupils where born in 1997 and 1998.It has become clear that pupils do not relativize the GDR as a dictatorship due to a lack of knowledge on the former state. In fact, most adolescents know more than a questionnaire could show. Their images, stories and interpretations that did not fit into the lessons were activated in the context of focus group discussions. More than that, there is no causality between little knowledge and putting things into perspective. In the Leipzig class, this was more a sign of loyalty towards family members and an emotional connection to the devaluated material and social heritage of GDR culture. In Frankfurt and Paris, where there was more distance, family memory was far less important and the judgement was more self-reflective. Where the teacher proposes mediating concepts of the GDR, as in Frankfurt, the pupils appear to learn the most. In Leipzig, a mediating concept as ‘participatory dictatorship’ or ‘welfare dictatorship’ (Konrad Jarausch) helped to come to terms with contradictory aspects. The content learned is just one element of the successful teaching on GDR history, the other being an irritation of stereotypes: the competence to question one’s own first judgement.The transmission of GDR history in school will, in the long term, remain important, especially if the GDR is integrated in wider contexts such as the twentieth-century history of ideas. As seen in the field research, the more mediating concepts between different sources and interpretations are discussed, the more educational success to be expected, both in learning about the GDR and learning about oneself
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