Summary: | Le terme de bidonville est réapparu ces dernières années en France dans les discours politiques et médiatiques. Bien qu’utilisé à l'origine pour désigner les lieux d'habitations des populations identifiées comme Roms, ce mot est mobilisé aujourd'hui pour évoquer aussi bien un phénomène lié à la très grande pauvreté que des processus de relégation et d'exclusion. Pourtant, de nombreux travaux en sociologie et en anthropologie ont montré la capacité intégratrice du bidonville, en particulier lorsqu'il facilite la mise en relation des migrants avec leur environnement social. L'objet est donc complexe et une tension interne permanente structure la fonction sociale qu'il joue : il est à la fois piège et à la fois sas.L'évolution du contexte social, économique et politique des dernières décennies demande donc de réinterroger les connaissances acquises durant la période des années 1960-1970, à un moment où la France avait compté jusqu'à 70 000 habitants au sein des bidonvilles. Alors que les raisons expliquant la présence et le maintien des bidonvilles sur le territoire ont évolué, les formes d'intégration qui y sont associées se sont elles aussi transformées. En effet, le modèle « français d'intégration », très homogène et mécanique, s'appuyait jusqu'à récemment sur l'emploi et une assimilation normative ; toutefois, les nouvelles formes de pauvreté et l'affaiblissement des institutions régulatrices telles que la famille, l'école ou l'État ont conduit à des difficultés croissantes pour accueillir les nouveaux arrivants. C'est alors de plus en plus l'État-providence qui a pris en charge ces mécanismes, mais les défaillances sont multiples et elles expliquent en partie la relégation et la marginalisation de certains individus présents sur le territoire français.Dès lors, l'objectif de ce travail est de saisir si les bidonvilles jouent toujours un rôle intégrateur, et si cela est le cas, quelles en sont les différentes modalités. Pour répondre à cette question, la thèse s'appuie sur une ethnographie de deux années menée dans le nord-est de la France auprès d'une douzaine de familles vivant dans un bidonville. À partir de l'analyse des problématiques du quotidien, nous décrirons de quelle manière se mène leur accès à la société française et en quoi leurs conditions de vie peuvent constituer des freins ou des facilitateurs dans ce parcours. Il s'agira en outre de comprendre de la façon dont les habitants stabilisent et donnent une cohérence à leurs trajectoires, en particulier face à un monde urbain mouvant, changeant et fragilisant les modalités de construction du sentiment d'appartenance citoyen === The term slum has reappeared in recent years in France in political and media discourse. Although originally used to designate the places of residence of populations identified as Roma, this word is now used to refer both to a phenomenon linked to very high poverty and to processes of relegation and exclusion. However, many studies in sociology and anthropology have shown the slum's integrative capacity, particularly when it facilitates the connection of migrants with their social environment. The object is therefore complex and a permanent internal tension structures the social function it plays: it is both a trap and an airlock.The changes in the social, economic and political context of recent decades therefore require a reinterpretation of the knowledge acquired during the period 1960-1970, at a time when France had counted up to 70.000 inhabitants in the slums. While the reasons for the presence and maintenance of slums in the territory have changed, the forms of integration associated with them have also changed. Indeed, the "French integration" model, which is very homogeneous and mechanical, was until recently based on employment and normative assimilation; however, new forms of poverty and the weakening of regulatory institutions such as the family, school or the State have led to increasing difficulties in welcoming new arrivals. It was then increasingly the welfare state that took charge of these mechanisms, but there are many failures and they partly explain the relegation and marginalization of some individuals present on French territory.The objective of this work is therefore to understand whether slums still play an integrating role, and if so, what the different modalities are. To answer this question, the thesis is based on a two-year ethnography conducted in northeastern France with a dozen families living in a slum. Based on an analysis of everyday issues, we will describe how their access to French society is managed and how their living conditions can act as obstacles or facilitators in this process. It will also be a question of understanding how the inhabitants stabilize and give coherence to their trajectories, particularly in the face of a changing urban world that is changing and weakening the ways in which the sense of belonging of citizens is constructed
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