Summary: | L’image de l’ « Europe » comme un continent doté de limites inflexibles et indiscutables est largement partagée dans l’opinion publique des pays traditionnellement considérés comme européens. Dans le milieu des années 2000, les débats liés aux référendums sur le Traité Constitutionnel (2004-2005) conduisent pourtant un certain nombre d’acteurs politiques de premier plan à proposer des définitions de ce qu'elle serait ou ne serait pas. Mais plutôt que d'interroger le contenu de cette « Europe au sens large » convoquée dans ces différents discours, la controverse dont se saisissent les politologues et tout un ensemble de chercheurs a souvent l’objectif plus spécifique d’évaluer le caractère européen d’un pays en particulier : la Turquie, alors depuis peu reconnue candidate officielle à l’Union Européenne (UE – 1999). Bien que candidate, celle-ci se trouve tour à tour intégrée puis mise au ban de l’« Europe », du fait d’un supposé déficit d’européanité, pour être renvoyée du côté d’autres catégories régionales comme l' « Asie », le « Moyen Orient » ou le « Monde Musulman ». Cette thèse se saisit alors du paradoxe turc avec l’ambition de décrypter le sens du mot « Europe » dans une perspective géographique. Pour se faire, elle propose une investigation basée sur l’analyse de représentations turques du Monde, d’étudiants du premier cycle universitaire (Licence). Une première analyse de géographie régionale relativement classique, qui permet de fournir quelques éléments de contextes aux représentations analysées, cherche à identifier une région européenne homogène basée sur des indicateurs socio-économiques ou l’analyse de la trajectoire du pays par rapport à cette région sur le temps long. Cette première démarche, néanmoins, ne permet pas d'aboutir à une identification claire de ce qu’est l’« Europe » et suggère que le problème est sans doute profondément ancré du côté des représentations de l'objet qu'elle constitue voire, plus généralement, du Monde. Une deuxième investigation consiste alors à faire émerger le contenu, à la fois sémantique et spatial de l’« Europe », propre à la population d’étude et ce tant au niveau individuel qu'agrégé. De là, s'ensuit une troisième analyse visant cette fois à évaluer la place relative de l’« Europe » dans le Monde et l’éventualité de son déclin en considérant les préférences résidentielles de ladite population. Pour se faire, cette thèse propose une perspective décentrée, construite sur un matériau empirique issu de deux enquêtes de terrain et différentes méthodes de traitements, croisant méthodes d’analyses interprétatives et empiriques. Ainsi, à travers une analyse systémique de différentes formes de représentations, elle devient susceptible de mettre en évidence la singularité d’un regard turc sur le Monde. === The narrative according to which « Europe » is a continent with inflexible and irrefutable limits is a mainstream belief in states traditionally considered as European. However, circa 2004-2005, the debates owed to the European Treaty have seen the introduction of strong statements about what it would or wouldn't be. Though, instead of exploring the issue of a “large scale Europe” from a geographical dimension; the controversy most political scientists and other researchers took hold of was driven by an attempt to decide on the place of Turkey in that region which recently had been recognized an official candidate to EU (1999). As a matter of fact, despite its candidacy, Turkey would remain both part and apart of the region, because of a supposed “europeaness” deficit. Rather it would be expected to be part of other regional categories such as « Asia », the « Middle East » or the « Muslim world ». Thenceforward, through the unique and paradoxical example that is Turkey - focusing on representations of Turkish undergraduate students -, this thesis proposes to decrypt differently what stands for “Europe”, in a geographical perspective. First, this study proposes a classical regional analysis to set up the frame through which we will examine Turkish representations and geographic imaginaries. Yet it also aims to define a homogenous European region based on different classical factors in order to sketch the study's background. Then a long-term analysis of the contemporary Turkish international relations underlines its strong anchorage into European politics and the limits of attempting to define « Europe » through that lens. On the contrary, it leads to consider that the image of a strongly bordered « Europe » may come from people’s representations. Thus, in a second time, the study focuses on the emerging representations - both individual and collective - of a spatial and conceptual definition of « Europe ». Third, it interrogates the attractiveness of European countries relatively to the rest of the World, with the ambition to evaluate its potential “decline”. In a non-Eurocentric perspective, this thesis examines some Turkish way to look at « Europe » by developing two original survey materials built on a mix of interpretative and explicative methods, and a systemic analysis of its results.
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