Summary: | Cette thèse est basée sur une analyse de l’importance des mots et concepts associés, et de leur efficacité dans la définition des politiques de développement mises en œuvre en Côte d’Ivoire, un pays qui a été longtemps considéré comme une vitrine de l’application de ces politiques.Le cadre conceptuel se fonde sur les analyses de Pierre Bourdieu (1982, 1991) qui insistent sur le pouvoir du discours et du vocabulaire qui lui est associé. En effet, pour lui, il existe un marché linguistique sur lequel s’échange, selon des rapports de force, une surenchère de mots et de concepts. En conformité avec cette vision, nous pensons qu’il existe aussi un tel marché qui est propre au développement. Ce marché se caractérise par des rapports de force entre acteurs sociaux pour le contrôle d’un « pouvoir symbolique » qui s’affirme dans les échanges linguistiques. Certains de ces acteurs appelés « experts » créent ainsi les mots du développement, alors que d’autres, notamment les gouvernements des pays en développement (PED) et leurs populations, les reçoivent, les intègrent ou, au contraire, les réinterprètent en leur donnant parfois un sens différent. Et comme sur tout marché, un prix d’équilibre permet de réguler les échanges. On peut considérer que ce prix correspond au montant des crédits et financements accordés par les bailleurs de fonds.Dans ce cadre, on peut s’interroger sur le pouvoir des mots, et concepts associés, dans la définition, et la mise en œuvre, des politiques économiques de développement, et sur leur efficacité en termes de réduction de la pauvreté. C’est ce questionnement qui fonde la thèse.Pour y répondre nous avons examiné le discours des différentes parties prenantes au développement de la Côte d’Ivoire, en confrontant les résultats d’entretiens qualitatifs auprès d’acteurs de la vie sociale ivoirienne aux textes officiels du gouvernement et des Institutions de Bretton Woods (IBW).La première partie de la thèse examine l’histoire des faits économiques du développement pour la Côte d’Ivoire, en montrant comment un discours s’appuyant sur des théories économiques qui fonde les pratiques du développement permet l’émergence d’un pouvoir symbolique. Ainsi, en est-il du « miracle économique ivoirien » dont la faillite a conduit aux politiques d’ajustement structurel, puis aux objectifs de réduction de la pauvreté. A chaque étape, l’apparition de vocables particuliers, concepts et expressions spécifiques, ont corroboré les jeux d’acteurs et théories sous-jacentes pas toujours clairement énoncées.La deuxième partie montre comment à l’issue des politiques d’ajustement, et de la crise qui s’en est suivie, la Côte d'Ivoire a tenté d'adapter ses politiques économiques aux nouveaux concepts et mots du développement, tels que « résilience », « équité » ou « émergence », en se référant à l’approche du développement humain durable. C’est peut-être l’occasion pour elle de reconquérir à travers de nouveaux échanges linguistiques sur le marché du développement, ce pouvoir d’ordre symbolique qu’elle possédait auparavant. === This thesis focuses on the analysis of official and usual discourses in order to evaluate the efficiency of wording and concepts in the definition of the economic development policies implemented in Côte d'Ivoire, a country which was considered as a showcase of the implementation of these policies.The conceptual framework refers to the work of Pierre Bourdieu (1982, 1991), who emphasizes the power of discourse and associated vocabulary. Indeed, according to Bourdieu, there is a linguistic market on which is exchanged, an overbidding of words and concepts. In keeping with this vision, we believe that there is also such a market that is specific to development. This market is characterized by a balance of power between social actors for the control of a "symbolic power" which asserts itself in linguistic exchanges. Some of these actors named as "experts" thus create the words of development, while others, notably developing country governments (DCs) and their populations, receive, integrate or reinterpret them, sometimes giving another meaning. And as in any market, an equilibrium price allows regulating the exchanges. The amount of credits and financing granted by donors may be considered as such a price.In this context, the power of words and related concepts in the definition and implementation of economic development policies and their effectiveness in terms of poverty reduction can be questioned. It is answering to this question which constitutes the objective of the thesis.In order to answer this question we examined the discourse of the various stakeholders involved in the development of Côte d'Ivoire, by comparing the results of qualitative interviews from actors of the Ivorian social life to the official texts of the government and the Bretton Woods institutions IBW).The first part of the thesis examines the history of Côte d'Ivoire's economic development policies, showing how a discourse based on economic theories that underpins the practices of development allows the emergence of a symbolic power. Thus, is the so-called "Ivorian economic miracle", the failure of which led to structural adjustment policies and then to the objectives of poverty reduction. At each stage, the appearance of specific terms, concepts and expressions, have corroborated the sets of actors and underlying theories that are not always explicitly stated.The second part shows how, following the adjustment policies and the ensuing crisis, Côte d'Ivoire has tried to adapt its economic development policies to the new concepts and words such as " resilience "," equity "or" emergence ", with reference to the sustainable human development approach. It is perhaps an opportunity for her to regain, through new linguistic exchanges within the development market, the symbolic power she possessed before.
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