Poétique et philosophie dans l'oeuvre de Kierkegaard

L’œuvre de Kierkegaard se présente sous une forme poétique, non seulement par les fictions qu’il produit, mais encore par les pseudonymes auxquels il donne la parole et qui confèrent aux textes les plus conceptuels l’apparence fictive d’un discours subjectif. La forme poétique n’est donc pas un jeu...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Dupuis, Éric
Other Authors: Rennes 1
Language:fr
Published: 2017
Subjects:
Online Access:http://www.theses.fr/2017REN1S078
Description
Summary:L’œuvre de Kierkegaard se présente sous une forme poétique, non seulement par les fictions qu’il produit, mais encore par les pseudonymes auxquels il donne la parole et qui confèrent aux textes les plus conceptuels l’apparence fictive d’un discours subjectif. La forme poétique n’est donc pas un jeu arbitraire. Elle répond aux exigences de la pensée de l’existence : une pensée subjective, car l’on n’existe pas dans l’abstraction, où il s’agit de se comprendre soi-même dans l’existence. Une pensée existentielle n’est pas un savoir objectif qui peut être transmis directement : elle nécessite une communication indirecte. Tel est le rôle de la forme poétique. Son emploi est donc essentiellement philosophique, et ne fait pas de Kierkegaard un poète. Du poète, il s’agit, au contraire, de dénoncer l’illusion, en particulier celle du romantique. Confondant la possibilité et la réalité, le poète plane au-dessus de sa propre existence. Il faut alors de l’ironie pour libérer l’individu d’une telle illusion et l’amener au commencement de la vie personnelle, d’une existence éthique. C’est pourquoi la forme poétique est, ici, ironique ; il s’agit de parler la même langue que ceux à qui l’on s’adresse, un langage esthétique, afin de les amener à une pensée véritable d’eux-même : tromper en vue du vrai. Fondée philosophiquement pour utiliser la possibilité, qui est sa forme, en vue de la réalité, qui est son horizon éthique, la poétique kierkegaardienne peut ainsi présenter à l’individu les déterminations dialectiques de l’existence, et l’ouvrir au passage de la possibilité à la réalité : un saut qualitatif, une décision qui n’appartient qu’à lui. Grâce à la forme poétique, la pensée subjective se fait maïeutique ; l’auteur s’efface pour laisser la place à celui dont parle la fiction et à qui elle s’adresse, celui que l’auteur veut éveiller à lui-même : l’individu singulier. === Kierkegaard uses a poetic form in its works, not only by the fictions he composes but also by the pseudonyms he makes speak, who give to the most conceptual texts the fictional appearance of a subjective speech. Thus, the poetic form is not an arbitrary game. It is an answer to the requirements of the thinking of existence, a subjective thinking, for one does not exist in abstraction : be understandable oneself in one’s own existence. An existential thought is not an objective knowledge, which can be given directly : it requires an indirect communication. Such is the role of the poetic form. It is essentially a philosophic employment, and does not make a poet of Kierkegaard. On the contrary, his works tend to denounce the poet’s delusion, especially of the Romantic. The poet confuses possibility with reality, and glide above his own existence. Irony is then needed to free the subject from his delusion, and lead him to the beginning of his personal life, an ethical existence. That’s why the poetic form of Kierkegaard’s works is ironic in itself, for it is to speak the langage of those whom the speech speaks to, an aesthetic langage, in order to lead them to a true thinking of themselves : deceive toward the truth. Philosophically founded to use possibility, which is its form, with the reality in mind, which is its ethical horizon, the kierkegaardian poetic is enabled to present to the individual the dialectical determinations of existence, and show him the passage from possibility to reality : a qualitative leap, as his own decision. Through the poetic, the subjective thinking appears to be maïeutics. The author disappears to hand over the place to the one whom the fiction talks about and whom it speaks to, the one who the author wants to awaken within himself : the Individual.