Summary: | Cette thèse propose une approche socio-historique de l’excellence en alpinisme, sur une période qui s’étend de l’apparition de l’Alpine Club britannique, le premier club alpin au monde, créé en 1856, jusqu’au début du XXIe siècle. L’excellence est envisagée sous l’angle d’un triple rapport : un rapport à la pratique, qui désigne les manières légitimes de pratiquer, un rapport à soi-même, qui renvoie à la façon dont les alpinistes excellents (les « grands alpinistes ») se perçoivent et envisagent leurs trajectoires biographiques, et un rapport aux autres individus, c'est-à-dire la manière dont ces alpinistes appréhendent et se distinguent des autres usagers de la montagne et des non-alpinistes. À partir des discours des membres de l’élite de l’alpinisme britannique et français, la question est posée de savoir comment se crée, se transmet, se diffuse dans l’espace et se maintient dans le temps un « esprit de l’alpinisme » entendu à la fois comme mentalité, esprit de corps, ethos, et principes éthiques au fondement de l’excellence, fortement distinctif, identitaire et fédérateur, au principe d’un sentiment d’appartenance, voire d’une identité collective. Centré sur le Royaume-Uni, berceau de l’alpinisme et lieu de codification d’une forme originelle d’excellence, encore perçue comme spécifique de nos jours, ce travail considère l’alpinisme français, d’apparition plus tardive, comme contre-point comparatif servant notamment à étudier des phénomènes de diffusion de la conception britannique de l’excellence. La question de la genèse historique d’un « grand alpinisme » sur le temps long se double enfin de celle de la fabrique biographique du « grand alpiniste », sur le temps court de la trajectoire biographique. Ce faisant, c’est un travail de dénaturalisation de l’excellence, pensée comme un construit historique et social, qui est entrepris. L’étude des trois dimensions de l’excellence (rapport à l’activité, à soi, et aux autres) se fait en premier lieu à partir d’un matériau original : un corpus de 62 autobiographies d’alpinistes. Son usage s’accompagne d’une réflexion méthodologique sur les conditions de sa validité sociologique. Afin de réinscrire ces discours dans leurs cadres historiques et sociaux d’énonciation, d’autres matériaux sont mobilisés : 16 entretiens, deux bases de données (dont l’une permet de mener une analyse prosopographique), les articles et les notices nécrologiques des revues des grands clubs alpins sélectifs des deux pays. === This thesis proposes a socio-historical approach of excellence in mountaineering, from the creation of the British Alpine Club, the first alpine club in the world, founded in 1856, up until the beginning of the 21st century. Excellence is defined by three relations: a relation to the activity of mountaineering, that is, the legitimate ways of practicing this activity, a relation to oneself, that is, the ways in which excellent mountaineers (the “great mountaineers”) see themselves and consider their biographical trajectories, and a relation to others, that is, the ways in which these mountaineers apprehend and distinguish themselves from the other users of mountains and from non-mountaineers. From the study of the discourses of the elite of British and French mountaineering, we seek to understand how a “spirit of mountaineering” (a mentality as well as an “esprit de corps”, an ethos, and a set of ethical principles at the foundation of excellence) has been created, transmitted, has travelled between countries and has been maintained over time. This “spirit” is the basis of a sense of belonging, even of a collective identity. Centered on Britain, as the cradle of mountaineering and the place where an original form of excellence, still perceived today as specific, was initially codified, this study considers French mountaineering, of later appearance, as a comparative point of reference, useful to point out a phenomenon of diffusion of the British conception of excellence. The issue of the historical genesis of a “great mountaineering” on the long-term scale doubles up with the issue of the biographical making of the “great mountaineer”, considered on the short-term scale of the biographical trajectory. By doing so, it is a work of denaturalization of excellence, seen as a historical and social construct, which is undertaken. The study of the three dimensions of excellence (as a relation to activity, to oneself, and to the others) is carried on in the first place with the help of an unusual material: a corpus of 62 autobiographies of mountaineers. Its use is backed with methodological observations regarding the conditions of its sociological validity. In order to consider these discourses within their historical and social frames of enunciation, other materials are used: 16 interviews, two databases (one of them used to carry out a prosopography), the articles and necrologies of the journals of the selective alpine clubs of the two countries.
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