Summary: | Cette thèse s’inscrit dans le cadre des études comparées pluridisciplinaires, alliant la littérature à un autre outil d’expression artistique, la photographie. Les démarches comparatistes ont, en effet, contribué à l’émergence d’idées et d’axes d’analyses exclusifs que l’analyse traditionnelle se limitant stricto sensu à l’œuvre n’aurait pas permis de voir, d’où la naissance, depuis peu encore, de la littérature générale et comparée en tant que discipline à part entière. De plus, celle-ci permet l’ouverture de brèches non négligeables sur d’autres disciplines, ce qui permet l’établissement d’un dialogue pluridisciplinaire qui s’installe au cœur de la littérature. Celle-ci devient apte à s’allier, dans une démarche comparatiste, tantôt à la peinture, tantôt au cinéma ou encore à la photographie. De ce fait, cette thèse vise à instaurer un dialogue entre la littérature francophone maghrébine et la photographie. En s’appuyant sur un corpus puisé essentiellement dans la littérature francophone maghrébine contemporaine, nous tentons d’élucider la subtilité de ce dialogue. Ainsi, la photographie a bouleversé le rapport à l’image dans la tradition maghrébine. Plusieurs autres ouvrages affiliés à cette littérature postcoloniale mettent en scène des œuvres photographiques qui sont aptes à témoigner d’une relation nouvelle à l’image, comme on peut le voir notamment dans les travaux de Leïla Sebbar (Mes Algéries en France , par exemple), ou encore dans les écrits de Mohamed Dib qui revient sur ses lieux de la mémoire que sont la photographie et l'écriture (Tlemcen, ou les lieux de l'écriture ). Le rapport à l'image est très présent dans ces textes : nous lisons des témoignages qui s'opèrent à travers des descriptions réalistes de l'espace et des scènes écrites, orchestrées par une fiction qui semble respecter les différentes fonctions diégétiques d'un roman. En parlant de cette relation nouvelle du texte à l'image, nous faisons d'abord allusion au lien texte/archive. La photographie sera alors considérée comme étant une "archive" que le romancier francophone réinvestit dans un récit contemporain. Nous touchons là à la fonction "génératrice" de la photographie et nous tentons de répondre à des questions comme : quelle photographie a généré tel texte? Quelles techniques sont utilisées par l’auteur pour la mettre en scène dans son texte? La littérature postcoloniale acquiert une notoriété non négligeable. Recourant – encore – à la langue du colon, elle devient un genre à part entière qui a toute sa place dans le paysage littéraire et artistique. La photographie jalonne ces œuvres qui y recourent, intuitivement, dans le but de garder une trace, une empreinte d’un passé houleux et mouvementé.Trois auteurs, trois univers littéraires avec leurs divergences et leurs convergences. A travers une démarche intersémiotique, nous explicitons la poétique de la photolittérature dans Le Démantèlement de Rachid Boudjedra, L’Incendie et Tlemcen ou les lieux de l’écriture de Mohammed Dib et Journal de mes Algéries en France et La Jeune fille au balcon de Leïla Sebbar.La photographie n’est plus un simple support auquel recourent ces auteurs pour illustrer leurs textes. Elle est tatouée de manière indélébile dans leur manière d’écrire, de parler, d’être. L’écrivain maghrébin postcolonial est de ce fait un photographe scriptural. Il réinvestit ce même œil qui a vu, qui a observé et a assisté à une guerre de libération dans une écriture où le regard est au centre de tout. Même quand il n’est pas explicitement question de photographie, cette dernière transparaît d’une manière ou d’une autre à travers la mise en scène des espaces, des personnages (quand il s’agit de fiction) et des faits relatés. Le texte dépasse en ce sens le simple entendement descriptif pour épouser une écriture ekphrastique dans laquelle l’auteur semble décrire les différentes composantes d’un cliché qu’il a sous les yeux et qu’il nous donne à voir à travers ses mots. === This thesis is part of multidisciplinary comparative studies, combining literature with another tool of artistic expression which is photography. Comparative approaches have in fact contributed to the emergence of exclusive ideas and axes of analysis that the traditional analysis, which is strictly limited to the work, would not have made it possible to see. Hence, the very recent birth of the general and comparative literature as a distinct discipline. Moreover, it allows the opening of significant breaches on other disciplines, which helps to the establishment of a multidisciplinary dialogue that takes place at the heart of the literature. The latter becomes able to combine in a comparative approach painting, cinema and even photography. This thesis aims to establish a dialogue between the francophone Maghreb’s literature and photography. Based on a corpus drawn mainly from contemporary francophone Maghreb’s literature, we try to elucidate the subtlety of this dialogue. Thus, photography has upset the relationship to the image in the Maghreb’s tradition. Several other works affiliated to this postcolonial literature show photographic works that are able to testify on a new relation to the image, as can be seen in particular in the works of Leïla Sebbar (Mes Algéries en France, for example), or in the writings of Mohamed Dib who returns to his places of memory such as photography and writing (Tlemcen, ou les lieux de l’écriture). The relation to the image is very present in these texts: we read testimonies that are carried out through realistic descriptions of space and written scenes, orchestrated by a fiction that seems to respect the different diegetic functions of a novel. Speaking of this new relationship between text and image, we first allude to the text / archive link. Photography will then be considered as an "archive" that the Francophone novelist reinvests in a contemporary narrative. Here we touch on the "generating" function of photography and we try to answer questions such as: which photography generated such text? What techniques are used by the author to stage it in his text? The postcolonial literature acquires a considerable notoriety. Still using the language of the colonist, it becomes a genre in its own right which has its place in the literary and artistic landscape. Photography intersperses these works intuitively, with the aim of keeping a trace, an imprint of a stormy and turbulent past. Three authors, three literary universes with their divergences and their convergences. Through an intersemiotic approach, we explain the poetics of photoliterature in Rachid Boudjedra's Le Démantèlement, Dib’s L’Incendie and Tlemcen ou les lieux de l’écriture and Journal de mes Algéries en France and La Jeune fille au balcon of Leila sebbar. Photography is no longer a simple medium to which these authors resort to illustrate their texts. It is tattooed indelibly in its way of writing, speaking and being. The post-colonial Maghreb’s writer is thus a scriptural photographer. He reinvests the same eye that has seen, watched and witnessed a liberation war in a writing where the gaze is at the center of everything. Even when it is not explicitly a question of photography, the latter can be seen in one way or another through the staging of spaces, characters (when it comes to fiction) and related facts. In this sense, the text goes beyond the simple descriptive understanding to embrace an ekphrastic writing in which the author seems to describe the different components of a cliché that he has under his eyes and which he gives us to see through his words.
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