Summary: | Le « discours managérial » est aujourd’hui omniprésent dans la vie des entreprises, celles des organisations et au cœur de la vie quotidienne des individus. L’objet de notre étude, au cours de cette thèse, est de décrire les conditions d’émergence de ce nouveau type de rationalité, ainsi que ses modalités de transformation. En effet, le « discours managérial » est issu des sciences de gestion, apparues au début du XXème siècle, qui ont emprunté des principes militaires, ainsi que des notions des sciences de l’ingénieur, de la biologie, et des sciences sociales ; ces « visibilités » (terme en référence aux travaux de l’historien Alfred D. Chandler) constituent donc un « discours managérial » permettant de se représenter de manière normative l’entreprise, ses techniques et ses actions humaines afférentes. Cette rationalité avait été analysée telle une « idéologie » par Reinhard Bendix, elle est au contraire un discours pluriel et ne cessant pas d’évoluer. En référence aux travaux de Luc Boltanski et Eve Chiapello, nous décrivons comment le corps de doctrine du « discours managérial » s’est transformé entre les années 1960, les années 1990 ; nous prolongeons cette même recherche avec un nouveau corpus de littérature managériale des années 2010. Notre analyse sémantique des 100 années de littérature spécialisée met en relief les déplacements de sens, au fil du temps, du « discours managérial », tout en resituant son unité à partir d’une « grammaire » que nous mettons en évidence. Ainsi, les formes d’entreprise se transforment : General Motors était le modèle des entreprises dans les années 1960, ensuite dans les années 1990 ce fut Toyota, puis Google de nos jours. De même, les concepts évoluent : l’analyse de la « planification » devient celle des « réseaux » puis des « collaborations » ; la « délégation » devient le « leadership » puis la « libération » ; les « programmes » sont des « projets » puis des « données ». Pour autant, notre thèse démontre comment le « discours managérial » reste lui structuré autour d’une même « grammaire ». Celle-ci est composée d’une « visibilité synoptique » (i.e. la représentation d’ensemble de l’entreprise), d’une « visibilité de la mesure » (i.e. le calcul de l’activité de travail), d’une « visibilité de la délégation » (i.e. la maîtrise de l’activité d’autrui), et d’une « visibilité de la commercialisation » (i.e. la définition de l’entreprise par l’extérieur). Le « discours managérial » tient sa force de capacité d’adaptation à l’aide de sa « grammaire » définie dans cette thèse. === The "managerial discourse" is today omnipresent in the life of corporation, as well as within organizations and in everyday life of individuals. The aim of this PhD is to describe the conditions of emergence of a new kind of rationality, as well as its ways of transformation. Firstly, the "managerial discourse" stems from the management sciences, which irrupted at the beginning of the 20th century, composed by part of military principles, as well as notions of engineering, biology and social sciences. What we called "visibilities" (term coined by the work of the historian Alfred D. Chandler) enable a "managerial discourse" to streamline normatively the enterprise, its techniques and its human actions related. In that way, rationality had been analyzed as an "ideology" by Reinhard Bendix, but furtherly viewed as a plurality of discourses that are continuously evolving. Prolonging the work of Luc Boltanski and Eve Chiapello, we are describing how the body of doctrine concerning "managerial discourse" has been transformed from the 1960’ to the 1990’; we have extended this analysis with a new corpus of managerial literature of the 2010’. Our semantic analysis – over 100 years of specialized literature (from pionniers to actual vision) – highlights the displacements of meaning over time while restoring its unity with the support of a what we call "grammar of the managerial discourse". Basically, the company had General Motors for model in the 1960’, then in the 1990’ it was Toyota, and Google nowadays. Similarly, concepts are reshuffled : the focus on "planning" moved into "networks" and then "collaborations"; The "delegation" moved into "leadership" and then "liberation"; focus were on "programs", after on "projects" and now on "data". However, our PhD shows how "managerial discourse" remains structured around the notion of "grammar". This consists of a "synoptic visibility" (ie the overall representation of the company), a "visibility of the measure" (ie the calculation of the work activity), a "visibility of the delegation" (ie control of the activity of others), and a "visibility of the commercialization" (ie the definition of the company from outside). The "managerial discourse" is powered firstly by its adaptability to any change, with the help of its "grammar" defined in this thesis.
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