La race tue deux fois : particularisation et universalisation des groupes ethniquement minorisés dans la France contemporaine, 1970-2003

En France, entre les années 70 et fin 90, alors que la notion de crime raciste occupait fréquemment la sphère militante et médiatique, elle ne constituait pas une catégorie juridique dans la sphère judiciaire. La mésentente concernant le traitement des crimes racistes semble trouver son origine dans...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Brahim, Rachida
Other Authors: Aix-Marseille
Language:fr
Published: 2017
Subjects:
Online Access:http://www.theses.fr/2017AIXM0163
Description
Summary:En France, entre les années 70 et fin 90, alors que la notion de crime raciste occupait fréquemment la sphère militante et médiatique, elle ne constituait pas une catégorie juridique dans la sphère judiciaire. La mésentente concernant le traitement des crimes racistes semble trouver son origine dans le fait que deux conceptions d’une même réalité ont pu coexister pendant une trentaine d’années : la réalité du groupe concerné par ces violences d’une part et celle émanant du droit étatique d’autre part. Alors que pour les premiers, le caractère raciste des violences ne faisait aucun doute, pour les parlementaires l’idée même d’un mobile raciste a régulièrement été rejetée. D’un point de vue législatif, il a fallu attendre l’année 2003 pour que la France adopte une loi permettant de prendre en compte l’intention raciste d’un crime. Depuis cette date, sous certaines conditions, le mobile raciste peut constituer une circonstance aggravante dans les infractions de type criminel. Cette thèse s’intéresse à ces deux vérités et aux circonstances qui ont déterminé leur existence. Elle vise notamment à interroger le rôle joué par le droit étatique dans la production et le maintien des catégories ethnoraciales par delà la politisation des violences qui en résultent. D’un point de vue empirique, l’enquête a consisté à confronter la parole des militants ayant dénoncé une double violence, celle provoquée par les agressions d’une part et celle induite par leur traitement pénal d’autre part, à un ensemble de sources archivistiques émanant des services du ministère de l’Intérieur et du Parlement. D’un point de vue théorique, les apports de la sociologie et de l’histoire de l’immigration ont été complétés en intégrant les réflexions des théories de l’ethnicité et de la Critical Race Theory. En définitive, cette recherche met en évidence le fait que l’universalisme républicain fait partie intégrante du processus de racialisation. En revenant sur les dispositions majeures de la politique d’immigration et sur la figure stigmatique de l’homme arabe, un premier axe s’intéresse à la manière dont le droit étatique a particularisé une catégorie d’individus en participant à la production des catégories ethnoraciales. Un deuxième axe vise à caractériser les crimes racistes qui ont été dénoncés entre les années 70 et fin 90. Un dernier axe enfin étudie la carrière juridique du mobile raciste durant cette même période. Il expose la manière dont la législation antiraciste a invisibilisé la question des crimes racistes et maintenu les catégories ethnoraciales en appliquant des règles universelles à des groupes qui ont auparavant été différenciés. === In France between the 1970s and the 1990s, while the notion of racist crime was frequently brought up in the activist and media fields, it was not a legal category in the field of justice. The disagreement regarding the treatment of racist crimes seems to find its roots in the fact that two different conceptions of a same reality could coexist for thirty years: thereality of the group that was primarily concerned by such violence on the first hand, and that flowing from the State law on the other hand. Whereas for the former, the racist component of the violence was out of doubt, the members of the Parliament regularly rejected the mere idea of racist motive. In legal terms, it was not until 2003 that France adopted a law allowing toconsider the racist motive of a crime. Since then, and only under certain circumstances, the racist motive can constitute an aggravating factor for criminal offenses. This dissertation investigates these two truths and the circumstances that led to their existence. In particular, this research seeks to interrogate the role that the State law played in the production andconservation of ethnoracial categories, beyond the politicization of the violence flowing from such categories. In empirical terms, the study compared the discourses of the activists that denounced this dual violence, that provoked by the aggressions and that of their penal treatment, to an array of archival sources from the Interior Ministry’s services and theParliament. In theoretical terms, this research completes the contributions made by the sociology and history of immigration by integrating the theories of ethnicity and Critical Race Theory. Overall, this dissertation sheds light on the fact that Republican universalism is an integral part of the process of racialization. Through the study of the main dispositions of theimmigration policy and of the stigmatic figure of the Arab man, a first part investigates the way the State law particularized a category of people by taking part in the production of ethnoracial categories. A second part seeks to characterize the racist crimes that were denounced between the 1970s and 1990s. A last part investigates the judicial career of theracist motive. It shows how the anti-racist legislation blinded the question of racist crimes and maintained the ethnoracial categories by enforcing universal rules to groups that were formerly differentiated.