Summary: | Figure obsédante de l’imaginaire collectif, le fou a longtemps été chargé de significations qui le dépassent ; le mythe de la folie fait recette sur la scène littéraire mais les malades n’en sont que des figurants. Alors que le fou réel est maintenu dans les marges de la littérature comme de la société, le fantasme culturel de la folie est nourri et modelé au XIXe siècle par la littérature romantique ou fantastique et exalté au début du siècle suivant par les avant-gardes historiques. Un certain nombre de textes de romanciers du XXe siècle, parmi lesquels Georges Duhamel, André Baillon, Julien Green, Henry de Montherlant ou encore Alexandre Vialatte, mettent au contraire en œuvre un décentrement du regard littéraire de la folie vers le fou – du mythe à l’individu. Ce sont les modalités et les logiques de cette émancipation de la figure du fou et de son affirmation comme sujet – au sens de thème comme de subjectivité – autonome dans l’espace romanesque que ce travail s’applique à éclairer. Ces récits fictionnels qui font de la conscience aliénée à la fois le foyer et l’objet principal de la narration mettent en scène une folie presque familière, où l’idéalisation cède le pas à la représentation de troubles intimes et ordinaires, qui atteignent un personnage banal menant une existence modeste. Par leurs affinités sémantiques, syntaxiques et pragmatiques, ils forment un « sous-genre » romanesque, celui des "histoires de fous". L’enjeu de cette thèse est de déterminer le répertoire générique de ces romans tout en examinant la manière dont la folie interroge les moyens et les pouvoirs de la fiction romanesque. Il s’agit également de mettre au jour ce que la littérature nous aide à comprendre de cet impensable, envers de l’expérience partagée de la raison, et d’observer comment les romanciers contribuent à refléter tout autant qu’à remodeler les formes de cet objet social et culturel. === Haunting our collective imagination, the madman has always been laden with symbolic significance. The myth of madness is abundantly present in literature, however those characters with an actual mental illness are ultimately overshadowed. While mental patients are pushed to the margins of literature, just as they are pushed to the outskirts of society, this particular cultural legend of madness develops during the nineteenth century in Romantic and fantastic literature and stays in the spotlight at the beginning of the following century through the avant-garde artists. In contrast to the aforementioned representation of madness, a number of novelists of the twentieth century, including Georges Duhamel, André Baillon, Julien Green, Henry de Montherlant or Alexandre Vialatte, brought on a literary shift away from “madness” towards “the madman” – from the myth to the individual. The focus of this piece of work is on the modality and logic leading to the emancipation of the figure of the madman and its affirmation as an autonomous subject – in every sense of the world – in the literary field. These fictional stories, where the alienated consciousness is both the focus and the main subject of the narrative, present the reader with an almost familiar madness. They don’t idealize insanity but provide representations of almost ordinary disorders, which affect a banal character living a modest life. Through their semantic, syntactic and pragmatic preferences, these stories form a fictional “sub-genre”, called “histoires de fous”. This research aims at determining the generic features of these novels and at considering the way madness questions the means and powers of fiction. Another purpose is to shed light on how literature helps us understand this inconceivable experience, which represents the other side of the commonly shared human experience of reason and logic, and to study how novelists help to reveal as well as reshape the characterization of this social and cultural topic.
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