Summary: | Cette thèse se propose d’éclaircir des aspects communs au développement des genres narratifs dans la phase du modernisme européen autour de la Première Guerre mondiale à travers l’analyse comparée des œuvres et des projets littéraires de Marcel Proust, Franz Kafka et James Joyce. La démarche comparatiste se construit autour d’une réflexion sur les fonctions de la littérature dans le cadre de la modernité et du rapport au passé culturel, de la transformation des différentes instances subjectives opérant au niveau de l’autoreprésentation de l’écrivain et des personnages, ainsi que des différents aspects de la crise, de sa problématisation et enfin des transformations de la notion d’expérience dans sa configuration narrative. Une pluralité de méthodes et d’approches théoriques en est venue à s’imposer, allant de l’histoire des genres littéraires à la critique philosophique, de la perspective sociologique sur les processus de transformation opérant à l’échelle globale jusqu’aux propositions les plus récentes dans le champ des études modernistes. Chaque pôle thématique est ainsi traité selon sa spécificité mais aussi comme un élément paradigmatique commun aux auteurs examinés, utile à la compréhension du modernisme narratif. L’hypothèse à la base du présent travail concerne donc un lieu commun de la critique contemporaine, à savoir l’idée que la littérature au XXe siècle est marquée par une discontinuité nette face aux pratiques narratives du siècle précédent. Quelques fondements de ce principe sont remis en question, notamment concernant les concepts d’autonomie esthétique et celui de réalisme. Nous cherchons à comprendre de quelle manière ces idées, développées au cours du XIXe siècle, fournissent au modernisme les critères de vérité en lui permettant de créer une nouvelle perspective existentielle de l’œuvre comme explication subjective du monde, que nous proposerons d’appeler « ontologie du sujet ». === This research project focuses on some aspects in the development of modernist narratives before and immediately after World War I, through the analysis of literary projects and works by Marcel Proust, James Joyce and Franz Kafka. The comparison between these three authors is based on topics such as the function of literature in modern context and its relationship to cultural past ; the innovation regarding subjectivity in fiction, from the self-representation of the writer to the creation of characters ; the various aspects of crisis in the narrative configuration of experience, as well as the broadening of its signification.Such a framework required a wide scope in theoretical and methodological approaches, going from the history of literary genres to sociology, from philosophical views to the latest propositions in the field of Modernist Studies. Each one of the three thematic poles of the research is thus treated according to its specificity, but also as part of a common paradigm, which may be useful to a better understanding of a cultural phenomenon such us modernist narratives, which has not been completely historicized yet.The fundamental hypothesis of the entire research is thereby related to a common principle in literary criticism : the idea that the 20th century is marked by general discontinuity with the aesthetics belonging to the previous century. We question some of the theoretical foundations to this principle, especially regarding the perception of the revolt against the aesthetics of Symbolism and Naturalism, and proceed by trying to understand how categories such as that of aesthetic autonomy and realism are transformed and revitalized by the authors, becoming the inherited criteria of truth allowing the modernist work of narration to turn itself into a subjective description of the general sense of being, or as what we call it here, an «ontology of the subject».
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