Summary: | Après l’invention de l’impression typographique à la Renaissance s’est progressivement imposé un régime de connaissance dans lequel les signes n’ont plus de rapport essentiel avec un monde reconstitué spatialement au moyen des mots sur la page. L’âge classique en général et le XVIIIe siècle en particulier ont souvent été caractérisés par le primat de la vue comme moyen de connaissance, aux dépens des autres sens. C’est du moins une des thèses de Michel Foucault dans Les Mots et les choses.Notre thèse tente de nuancer cette perspective en montrant comment, au sein de la culture écrite dominante, persistent de vestiges de la culture orale traditionnelle ; non pas dans les manifestations plus ou moins archaïques de la culture populaire (farces, fêtes, foires, contes bleus), mais dans ce qui pourrait sembler une manifestation de la modernité même des Lumières : les machines. Le XVIIIe siècle a été fertile en dispositifs visant à produire des sons ou des images, et à les enregistrer. Parmi ceux-ci, nous avons particulièrement retenu les inventions, réelles ou imaginaires, de Tiphaigne de La Roche (surveillance auditive et fixation des images), de Diderot (composition automatique et conservation des pièces musicales), de l’abbé Mical (reproduction de la voix humaine) et du père Castel (enregistrement visuel des sons). En étudiant tant le détail de ces dispositifs que le contexte idéologique qui les a vu naître, nous essayons de montrer comment les Lumières ont été ouvertes à des formes variées d’appréhension du monde. Aujourd’hui, le développement de nouveaux moyens de communication nous familiarise à nouveau avec des modes de représentation plus analogiques que l’écriture. Les tensions propres au régime médiatique du XVIIIe siècle nous donnent des indices pour réfléchir aux problèmes actuels de la connaissance. === After the invention of the printing press in the Renaissance, knowledge became progressively based on the use of signs with no essential relation with things, spatially reconstructed with words on the page. The classical age in general and the eighteenth century in particular have often been characterized by the primacy of sight as a means of knowledge, at the expense of other senses. Such is at least one of Michel Foucault’s arguments in the Order of Things.Our thesis strives to qualify this perspective and show how, within the domination of the written culture, remnants of the traditional oral culture survived. Not only in the archaic forms of popular entertainment such as fairs, farces and fairy tales, but in what might be considered as the epitome of modernity: machines. The eighteenth century was a hot bed of contraptions aiming to produce sounds and images and to record them. Among these, our attention has focused on the real or imaginary inventions of Tiphaigne de La Roche (audio monitoring and fixation of images) Diderot (automatic production and conservation of musical pieces), Abbé Mical (reproduction of the human voice) and Father Castel (visual transposition of sounds). The careful examination of such machines as well as the ideological context of their emergence, enables us to show how the Enlightenment was open to forms of comprehension of the world much more varied than is often stated.Today the development of new media has made us familiar again with modes of representation which are more analogical than words. The tensions proper to the media system of the eighteenth century provide us with instruments to think about our relation to the world around us.
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