Summary: | Cette thèse interroge les cadres moraux et symboliques par lesquels les individus se saisissent et se disputent la question du racisme en France. La problématique générale porte ainsi sur les modalités de qualification du racisme d’une part et sur les enjeux de cette qualification de l’autre. Pour répondre à cela, cette recherche s’appuie sur un large corpus de commentaires d’internautes extraits des sites de Libération et du Figaro dans le cadre de dix affaires faisant intervenir, dans des proportions diverses, la question du racisme. L’analyse se présente ainsi en trois temps. En premier lieu, la thèse reprend les principales analyses sociologiques du racisme en France. En pointant la dynamique de celles-ci et en posant certaines hypothèses quant au formes contemporaines du racisme, cette première partie démontre la nécessité à une approche « par le bas » du racisme et ce par l’idée de la « question du racisme » en France. En un second temps, l’analyse empirique se focalise alors sur les supports et enjeux de la qualification du racisme. Inspirés par la sociologie pragmatique et l’approche phénoménologique, nous nous attachons alors à identifier comment les participants construisent, justifient ou réfutent une relation entre un évènement particulier et la question du racisme. L’identification des connaissances ordinaires et des objets particuliers supportant cette relation permet alors de discuter comment les individus qualifient le racisme « en situation ». En parallèle, l’analyse porte également sur les conflits qui naissent entre les individus vis-à-vis de ces même processus de qualification. En effet, loin d’être consensuel, le travail de qualification du racisme est marqué par une très grande diversité de formes et de contenus. De là, en suivant les cadres et enjeux de ces controverses, cette thèse s’intéresse à « ce que veut dire » le racisme dans les discussions ordinaires. Enfin, dans un troisième temps, l’analyse porte sur les manières dont les participants relient responsabilité du racisme et appartenance. Que ce soit par l’intermédiaire de la « classe » ou de la « race », au sein des discours étudiés, l’origine et la responsabilité du racisme sont régulièrement attachées à des positions sociales particulières. L’exploration de ces liens et des frontières symboliques qui s’en dégagent démontre que ce sont là encore certains cadres moraux et symboliques particuliers qui balisent ces rapprochements. La thèse montre que la question du racisme lorsqu’elle intervient dans des discussions ordinaires renvoie à un univers moral particulier. Loin de discuter uniquement la présence et/ou la définition du phénomène du racisme, les individus s’appuient sur cette question pour discuter des valeurs morales légitimes ou non et plus loin pour les distribuer entre les groupes, définis socialement ou racialement. En retour, nos conclusions mettent alors en lumière une disjonction importante entre phénomène du racisme et question du racisme au niveau ordinaire et discutent alors les conséquences de cet écart sur la dynamique et la visibilité du véritable racisme. === This dissertation explores the moral and symbolic frames used by individuals to define and dispute the issue of racism in France. The general problematic consists in addressing the ways the racism is qualified by individuals on the one hand and on the ordi-nary challenges of this qualification on the other. To answer this, the analysis is based on a large corpus of online posts from two French newspapers’ websites, Liberation and Le Figaro, within ten cases involving the issue of racism.At the first stage, we discuss the main sociological approaches of racism in France. By pointing their dynamics while addressing certain assumptions about the contemporary forms of racism, this first section is insisting on the need for a “bottom-up” approach of racism through the idea of the "issue of racism”" in France. Afterwards, the empirical analysis then focuses specifically on the processes of qualification of racism. We strive then to identify how participants construct, justify or refute a relationship between a particular event and the issue of racism. The identification of ordinary knowledge and specific objects supporting this relation-ship lead to a discussion about how individuals qualify racism "in situ". In parallel, the analysis also addresses inter-individual conflicts that arise concerning these same qualification processes. Indeed, far from being consensual, the work of qualification is defined by a great diversity of forms and contents. From there, focusing on the development and issues raised by these contro-versies, the analysis consists in understanding what racism means in ordinary discussions. Finally, in a last stage, the analysis concentrates on the ways in which participants connect responsibility of racism and specific membership. Whether through refer-ences to "class" or "race", within the corpus, the origin and the responsibility of racism are regularly attached to particular social positions. The exploration of those relationships and symbolic boundaries that emerge enlightens the importance of the moral and symbolic frameworks used by individuals to talk the racism.In general, this research shows that the issue of racism when it occurs in ordinary discussions refers to a particular moral realm. Far from discussing only the actual presence and / or definition of the phenomenon of racism, people rely on this to discuss the legitimate moral values or not and further to distribute morality between groups defined socially or racially. In return, our conclu-sions then highlight a significant disjunction between the phenomenon of racism and the issue of racism at the ordinary level and discuss the consequences of this regarding the dynamics and the visibility of real racism.
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