Summary: | A la fin des années 1990, en Afrique subsaharienne, des grandes entreprises privées mettent en œuvre des programmes pionniers d'accès aux antirétroviraux (ARV) pour leurs employés. A partir des années 2000, elles sont invitées à poursuivre leurs efforts et à devenir des partenaires de cette action publique, de la prévention et de la prise en charge thérapeutique. Dans ce contexte, elles interviennent aux côtés d’autres acteurs : Etats, organisations internationales, organisations non gouvernementales (ONG), réseaux de professionnels de santé et associations. Ces initiatives des entreprises privées sont communément relatées comme des stratégies rationnelles de préservation du « capital humain » et de la productivité des entreprises. Cette thèse de sociologie politique vise à explorer l’articulation des logiques bioéconomiques, politiques, sociales et symboliques qui ont été au cœur de la mobilisation du secteur privé dans la lutte contre le VIH/sida en Côte d’Ivoire. Les modalités et les effets de cette « publicisation » inédite d’un acteur privé lucratif au sein d’une action publique de santé sont explorés à un niveau local. Cette recherche s’appuie sur une enquête qualitative conduite en Côte d’Ivoire auprès des acteurs de 30 entreprises privées. Des entretiens ont été réalisés avec des membres du personnel médical des entreprises, des cadres, des employés vivant avec le VIH, des responsables de politiques publiques, professionnels de santé et acteurs associatifs. Une comparaison asymétrique avec le Cameroun a également été opérée afin de confirmer et de nuancer les hypothèses de recherche. La mobilisation des entreprises privées dans la lutte contre le VIH/sida est portée par une rhétorique mondiale, laquelle promeut la synergie des partenariats public-privés. En proposant une sociologie politique de l’action publique au prisme des entreprises privées, cette recherche met en évidence les paradoxes des politiques multisectorielles. Elle montre la manière dont la politisation d’une action publique tend à « dé-différencier » les entreprises privées des autres acteurs, c’est-à-dire à gommer leurs spécificités (rôle de modèle, lieu de production de vulnérabilités, accès à la santé différencié). === By the end of the 1990s in sub-Saharan Africa, huge companies in the private sector commenced the implementation of antiretroviral therapy (ART) programmes for the benefit of their employees. From the early 2000s, these companies have been invited to pursue efforts to also engage as partners in prevention and treatment policies, alongside other diverse actors: states, international organisations, NGOs, health professionals, civil society, etc. These private initiatives are usually reported as rational strategies aimed at preserving the “human capital” and productivity of the organisations. Approaching this study from a political sociology perspective, this PhD dissertation analyses the interaction of the bioeconomic, political, social and symbolic rationales that have underpinned the mobilisation of private companies in the struggle against HIV/AIDS in Ivory Coast. This research also explores the modalities and effects of this unprecedented “publicisation” of a private actor within the context of wider public health action at a local level. This study is supported by qualitative investigation conducted among 30 private companies in Ivory Coast. In addition, series of in-depth interviews were conducted with various actors involved in the HIV/AIDS sector (international organisations, the government, physicians, employees living with HIV/AIDS, civil society, etc.). Furthermore, an asymmetrical comparison with Cameroon has benefited this research by helping to confirm and refine the hypothesis. Global rhetoric advocating the synergy of public-private partnership has indeed supported the mobilisation of private companies in the fight against HIV/AIDS. By examining public action in regard to private companies, this research highlights the paradoxes of multisectoral policies. It demonstrates how these private actors, through the dynamics of politicisation, tend to be “de-differentiated” from other actors, thereby erasing their characteristics (social model, employee vulnerabilities, differentiated access to public health).
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