Summary: | Bien que fort différents, les romans des années 1950 d’Alain Robbe-Grillet et les romans des années 1960 de Robert Pinget ont prétendu contester les formes littéraires que le XXe siècle a héritées du siècle précédent, et notamment la description dite « balzacienne ». Nous interrogeons ici les modalités linguistiques de cette contestation et l’ambiguïté littéraire de ce déni d’héritage. La relation entre la description telle que l’ont pratiquée d’une part ces deux « Nouveaux Romanciers » et d’autre part les grands auteurs réalistes du XIXe siècle est ici envisagée selon une triple perspective : le maintien ou non d’une textualité prototypiquement méronymique ; la construction langagière d’une réalité dont l’existence est soudain moins sûre ; l’effacement énonciatif et ses conséquences esthétiques. Selon une approche résolument technique, les descriptions romanesques de Pinget et de Robbe-Grillet sont donc ici systématiquement mises en regard de descriptions canoniques de Balzac, mais aussi de Flaubert et de Zola. La contestation du protocole réaliste repose en effet sur une reprise et un refus : la complexité textuelle, la confusion dénotative et reférentielle, l’instabilité énonciative permettent aux deux romanciers de procurer des descriptions à la fois hyperréalistes et antiréalistes. Tout en prenant acte de la différence radicale des deux auteurs, il s’agit finalement de montrer comment l’un et l’autre sont parvenus à mettre au point un protocole descriptif résolument nouveau, qui rende compte du monde en tant qu’il est et en tant qu’il échappe. === Although very different, the novels of the 1950s by Alain Robbe-Grillet and of the 1960s by Robert Pinget claimed to challenge the literary forms that the twentieth century has inherited from the previous century, including the description of Honoré de Balzac. We question here the linguistic modalities of this confrontation, as well as the literary ambiguity of this denial of inheritance.The relationship between the description as have practiced these two "New Novelists" and on the other hand the great realistic writers of the nineteenth century is considered here in a triple perspective: maintenance / defence - or not – of a textuality, which is prototypically based on meronymy ; the linguistic construction of a reality whose existence is suddenly uncertain ; the enunciative erasure and its aesthetic consequences. In a decidedly technical approach, the descriptions of the novels of and Robbe-Grillet and Pinget are systematically opposed to the canonical descriptions of Balzac, but also to some extent to Flaubert and Zola. Challenging the realistic protocol is indeed based both on a recovery and a refusal: the textual complexity, the denotative and referential confusion and the enunciative instability allow these two novelists to provide descriptions which can be considered hyperrealistic as well as antirealistic. Eventually, while acknowledging the radical difference between the two authors, the aim is to show how both writers have managed to develop a considerably new descriptive protocol that reflects the world as it is and as it escapes.
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