La dramaturgie du témoignage chez Charlotte Delbo : une écriture de la spectralité

Qu’a de particulier le théâtre-témoignage de Charlotte Delbo ? L’objet de cette étude est de mettre en lumière une « écriture de la spectralité », renvoyant à l’évocation des spectres de sa mémoire que Delbo convoque sur une scène de théâtre. Les titres de deux de ses pièces, Qui rapportera ces paro...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Chiappone-Lucchesi, Magali
Other Authors: Sorbonne Paris Cité
Language:fr
Published: 2015
Subjects:
792
Online Access:http://www.theses.fr/2015USPCA020
Description
Summary:Qu’a de particulier le théâtre-témoignage de Charlotte Delbo ? L’objet de cette étude est de mettre en lumière une « écriture de la spectralité », renvoyant à l’évocation des spectres de sa mémoire que Delbo convoque sur une scène de théâtre. Les titres de deux de ses pièces, Qui rapportera ces paroles ? et Une scène jouée dans la mémoire, sont révélateurs d’un exercice d’anamnèse jamais fini, car il n’a pas de fin possible. Il se traduit par la réélaboration, la transposition théâtrale des fragments poétiques et narratifs déjà rédigés par l’auteure après son retour d’Auschwitz, – et nous avons dû parcourir ses archives pour repérer les traces de cette réécriture. Mais, et c’est un fait singulier, le caractère spectral du théâtre de Delbo provient également de la fréquentation des personnages-fantômes de sa bibliothèque théâtrale venus la visiter dans les marais d’Auschwitz, messagers d’une humanité dont l’existence même du théâtre est le garant. Secrétaire de Louis Jouvet avant et – pour quelque temps – après sa captivité, Charlotte Delbo semble ainsi converser avec le « patron » à travers les intertextes de son œuvre théâtrale et testimoniale. La dramaturgie du témoignage qui découle d’une telle écriture, par laquelle le passé ne cesse de revisiter le présent et réciproquement, pourrait se résumer ainsi : l’auteure se souvient, grâce à sa mémoire profonde, elle écrit en mémoire de ses camarades pour que nous, lecteurs et spectateurs, les gardions en mémoire ; et les spectres appellent les vivants à garder leur conscience en éveil.L’absence effective d’une étude sur le langage dramatique de Charlotte Delbo nous a convaincue de mener la présente recherche, qui traite résolument du travail dramaturgique de l’écrivaine et de son rapport, d’une extrême richesse, au théâtre. === What is so particular about Charlotte Delbo’s theatre testimony ? Goal of this study is to shed light on a « writing of spectrality », sending us back to the evocation of the spectres of her memory which Delbo summons upon stage. The titles of two of her plays, Who will carry the word ? and A Scene played in the memory are revealing of an incomplete anamnesis for which no ending is possible. It translates through reelaboration, theatrical transposition and poetical and narrative fragments already written by the author following her return from Auschwitz– and we had to explore her archives in order to trace these re-writes. Nevertheless, and it is a strange fact, the spectral nature of Delbo’s theatre also comes from the visitations of ghost-like characters from her theatrical library which come to haunt her in the swamps of Auschwitz, messengers of a humanity to whom the very existence of theatre turns out to be a guarantee. Once Louis Jouvet’s secretary prior and – for a while – after her captivity, Charlotte Delbo therefore seems to talk with the « patron » within the inner lines of her theatrical and testimonial work. The dramaturgy of the testimony which arise from such a writing, through which the past never ceases to revisit the present, could be summed up as follows : the author remembers, thanks to her deep memory; she writes in memory of her friends so that we, readers and spectators, remember them ; and the spectres call to the living to keep their consciences awake. The effective absence of Charlotte Delbo’s use of dramatic language has convinced us to lead the present research which deals fundamentally with the dramatic work of the writer and her extremely rich relationship to theatre.