Summary: | La rencontre entre Wittgenstein et Schopenhauer était inéluctable dans la Vienne « fin-de- siècle », fascinée par le philosophe allemand et lasse des exigences d’une rationalité néo-kantienne non exempte de contradictions. Mais le héraut de la volonté aveugle et sans but laisse un héritage difficile à assumer, dans lequel la quête du sens de l’existence et les problèmes d’identité interfèrent avec les conditions très strictes imposées à l’exercice de la pensée et aux formes de la représentation, dominées dans la culture moderne par la recherche incessante des causes et l’idéal de la science. L’exigence éthique et esthétique de Wittgenstein l’incite en réponse à mettre à nu les origines et le développement de toute activité intellectuelle et philosophique. Il suit ainsi d’abord la piste proposée par Schopenhauer à l’intellect en quête d’objectivité et de repos, celui de l’artiste ou du génie osant s’avancer aux limites de la représentation, dans la pure contemplation des idées. Mais ce chemin passe aussi tout près des frontières de la maladie mentale, et l’apaisement de la contemplation intellectuelle passive et détachée de la volonté peut basculer à tout instant dans le chaos d’une forme morbide de désengagement du monde, d’un solipsisme non seulement théorique mais vécu. Wittgenstein peu à peu identifie le solipsisme comme l’archétype de la maladie philosophique, conduisant les jeux de langages à se détacher des formes de vies et des comportements instinctifs qui les ont engendrés. Sa propre vocation philosophique se manifeste au cours de ce processus thérapeutique, comme l’expression d’une lutte vigilante contre les tentations réflexives de l’entendement et un retour humble à l’action dans la vie ordinaire. === Wittgenstein and Schopenhauer’s meeting was inescapable in the ‘End-of-Century’ Vienna, fascinated by the German philosopher and tired by the demands of neo-kantian rationality, itself not immune to contradiction. But the herald of blind and pointless will left a burdening inheritance, in which the quest for the meaning of existence and the problems of identity interfered with the very strict conditions imposed upon the practice of thought and the forms of representation, which, in the modern culture, are dominated by the relentless search for causes and by the ideal of science. Wittgenstein’s ethical and esthetic demands lead him, in answer, to reveal the origins and the development of any intellectual and philosophical activity. At first, he follows Schopenhauer’s path for the intellect looking for objectivity and rest, that of the artist or the genius daring enough to tread at the limits of representation, in the pure contemplation of ideas. But this path comes very close to the frontiers of mental illness, and at any moment, the soothing of passive intellectual contemplation, detached from will, may fall in the chaos of a morbid form of worldly disengagement, that is, of a not merely theoretical solipsism, but also lived. Wittgenstein gradually identifies solipsism as the archetype of philosophical illness, leading his language games to come apart from the forms of life and instinctive behaviors which fostered them. His own philosophical calling is made manifest through this therapeutic process, which expresses a vigilant struggle against the reflexive temptations of intellect, and a humble return to language and action in ordinary life.
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