Summary: | Le présent travail se fixe pour objet d’étude l’effondrement des limites entre les arts au milieu des années 1960, son lien avec la naissance des avant-gardes et la chute du système des Beaux-Arts. En remontant un fil tendu par Adorno, nous verrons que celle-ci semble suspendre la dialectique de la raison en tant qu’elle met à mal la division de l’art en genres — pendant de la division du travail dans le monde administré. L’ensemble du processus étudié, que nous avons choisi de nommer dissolution des limites entre les arts, nous conduit à remonter en amont des événements liés à ce changement de paradigme, afin d’en repérer les éléments déclencheurs — lesquels semblent contenus, comme en germe, dans les motivations à l’origine de l’éclosion des avant-gardes. Croisant la lecture d’Adorno et de Greenberg, cette analyse cherche, pour ce faire, à isoler des moments structurants, dont certains apparaissent comme des résonances, des échos amplifiés des autres, comme une manière d’en accuser réception : le contexte des années dix, par exemple, dans lequel les constructions cubistes de Picasso font d’ores et déjà trembler les lignes de démarcation des arts en sortant de l’espace confiné de la toile pour visiter celui de la sculpture ; puis celui des années cinquante et soixante, marqué par la catégorie des Specific Objects de Judd, mais aussi par les œuvres de Morris et Rauschenberg. Notre analyse porte également sur les années qui ont suivi cet effondrement des frontières entre les arts et tente de suivre une perspective herméneutique, en empruntant une voie esquissée notamment par Adorno dans L’art et les arts, lequel a observé que cette tendance à « l’effrangement » a fini par jouer un rôle dans l’antagonisme entre le public et l’art contemporain — anticipant les débats qui eurent lieu bien après sa mort, et que l’on retrouve sous le terme de « crise de l’art contemporain » dans les années 1990. Cet axe de recherche nous amène à poser à nouveaux frais la question de l’autonomie de l’art, devenue problématique depuis le passage des Beaux-Arts à l’art, tout particulièrement au cœur de la réception anglo-saxonne de l’esthétique d’Adorno, auteur d’une définition de l’autonomie de l’art tout à fait singulière — paradoxale. Il s'agit donc de commencer à procéder à l’exégèse de textes anglais et américains, qui, remettant au travail cette problématique classique, entendent montrer que la définition qu’en propose Adorno reste opérante lorsqu’on la confronte aux œuvres d’art actuelles. === This thesis is aiming at analyzing the link between the arts and between the art and what is extrinsic to art. The issue is to expand and refine Adorno’s analysis in his book The art and the arts. We will aim to provide a theoretical overview of the collapse of the artistic genres in the mid-sixties, and consider its link with the birth of French Avant-Garde and with the decline of the system of Fine Arts. The whole process that we would like to analyse starts with a mere imbrication of the arts, and reaches its culmination with a proper dislocation of its boundaries, as a result of successive stages that are locatable in the past. This will lead us to examine the stages before the outright collapse of artistic genres, to identify the triggers that ultimatly result in this paradigmatic change. Can we consider that the seeds of this dissolution are already planted in what led to the birth of the Avant-Garde? Is it reasonable to think that the postmodernity was already part of the modernity, as an inevitable shift which finds its fulfillment in the early sixties? Does the movement from the specific to the generic (de Duve) render the Adornian notion of Verfransung obsolete? What kind of “generic alterations” can we identify within the contemporary art? What is the status of non-art in regard to the Adornian negative dialectics? Can one consider that it represents a “stopped dialectics” — a moment of freedom in the dialectics of enlightenment? We will identify some structuring phases — some of which would appear as amplified echos of the others. We wish to continue our analysis from a hermeneutical perspective, and see how this dissolution has played a key role in the antagonism between contemporary art and the public. The issues related to the dissolution of boundaries between the arts will lead us to evaluate and interpret the Adornian arguments regarding the need for autonomy in art. Can we nowadays defend the idea of an autonomy of art? Is it then necessary to adapt its definition in the light of current works of art? Does the adornian conception of autonomy remain relevant? Can we consider that installation or performance perpetuate the exigences of modernism and create what could be called a new and “non-modernist" Avant-Garde?
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