Summary: | Contexte: Les travailleuses du sexe (TS) sont un groupe à risque de l’infection à VIH, jouant un rôle majeur dans la dynamique de l’épidémie en Afrique de l’Ouest. Les interventions de prévention et de prise en charge du VIH ciblant ces femmes sont donc indispensables, mais leur contenu reste à définir. Nous avons conçu un paquet d’intervention qui combinait la prévention et les soins, et estimé son impact sur l’incidence du VIH. Méthodes: Entre septembre 2009 et septembre 2010, nous avons réalisé une étude transversale à Ouagadougou (Burkina Faso) suivie d’une étude de cohorte interventionnelle chez des jeunes TS âgées de 18 à 25 ans, avec un suivi trimestriel pendant 21 mois maximum. Le paquet d’intervention de la cohorte combinait des activités de prévention effectuées par des pairs (sessions de communication pour un changement de comportement) et de soins (IST, VIH, soins généraux, santé sexuelle et reproductive, soutien psychologique).A chaque visite, les comportements sexuels étaient collectés par un questionnaire ; des tests VIH, HSV-2 et de grossesses étaient réalisés. L’incidence de l’infection à VIH observée dans la cohorte a été comparée à l’incidence attendue en absence d’intervention. Cette dernière a été estimée grâce à un modèle mathématique de Bernouilli utilisant les données collectées chez les clients des TS, et des estimations de paramètres clés issus de la littérature.Durant le suivi, nous avons défini un comportement à risque comme le premier épisode d’un évènement biologique résultant d’un rapport sexuel non-protégé : grossesse non-désirée, primo-infection HSV-2 ou à T. vaginalis. Nous avons utilisé un modèle logistique à effet aléatoire pour identifier les déterminants de ces comportements à risque durant le suivi.Résultats: Parmi les 609 travailleuses du sexe pré-sélectionnées dont 188 (30,9%) professionnelles, la prévalence du VIH était de 10,3% chez les professionnelles et 6,5% chez les non-professionnelles l’âge médian était de 21 ans. Au total, 41,2% des professionnelles et 47,5% des non-professionnelles rapportaient une utilisation non systématique du préservatif, principalement avec leurs partenaires réguliers.Dans cette étude transversale, l’infection à VIH était associée à l’âge (aOR=1,44; IC95%: 1,22-1,71), la vie en couple (AOR=2,70; IC95%: 1,21-6,04), et l’infection à T. vaginalis (aOR=9,63; IC95%: 2,93-31,59), tandis que la réalisation antérieure d’un test VIH réduisait nettement ce risque (AOR=0,18; IC95%: 0,08-0,40). Les 321 TS non-infectées par le VIH incluses dans la cohorte ont effectué un suivi total de 409 personne-années (p-a). Aucune participante n’a fait une séroconversion au VIH durant le suivi (0/409 p-a) alors que l’incidence attendue modélisée était de 5,05/409 p-a (IC95%, 5,01-5,08) soit 1,23 infection/100 p-a (p=0,005). Cette incidence nulle était associée à une réduction du nombre de partenaires réguliers et de clients réguliers ainsi qu’à une augmentation du taux d’utilisation constante du préservatif avec les nouveaux clients (aOR =2,19; IC95%, 1,16-4,14) et avec les clients réguliers (aOR=2,18; IC95%, 1,26-3,76). Cependant, les comportements à risque restaient élevés durant l’intervention : 26,7/100 p-a (IC95%, 24,1-33,7). Ce risque résiduel était plus élevé chez les TS vivant en couple (aOR =7,47, IC95%, 1,70-30,80) et chez les non-professionnelles (AOR =5,53, IC95%, 1,75-16,84). Ces dernières avaient le plus tendance à ne pas déclarer les comportements à risque lors des interviews. Conclusions: Notre étude a démontré la nécessité de cibler les jeunes TS par des interventions adaptées.Notre paquet d’intervention combinant la prévention du VIH et les soins a permis de réduire l’incidence du VIH chez les jeunes travailleuses du sexe au Burkina Faso. Les interventions devront se focaliser sur le dépistage du VIH, les TS non-professionnelles et les partenaires réguliers. === Background: In West Africa, interventions targeting female sex workers (FSW) are crucial to impact on the HIV dynamics. However, the contents and efficacy of these interventions are unclear, and identifying the most at risk FSW in order to adapt these interventions remain challenging, partly because of the limitations of self-reported sexual behaviours. We therefore designed a comprehensive dedicated intervention targeting young female sex workers, and assessed its impact on HIV incidence in Burkina Faso and the reliability of interview data. Methods: From September 2009 to September 2010 we conducted a cross sectional study in Ouagadougou, Burkina Faso. Then HIV-uninfected FSW aged 18-25 years were enrolled in a prospective interventional cohort. The participants were followed quarterly for a maximum of 21 months. The intervention group received a package which combined prevention and care within the same setting, and consisting of peer-led education sessions, psychological support, sexually transmitted infections and HIV care, general routine health care, and reproductive health services. At each visit, behavioural characteristics were collected and HIV, HSV-2 and pregnancy were tested. High-risk behaviour was defined as the first occurrence of any biological event resulting from unsafe sex, including unexpected pregnancy or HSV-2 or T. vaginalis infection. We used random logistic models to assess the relationship between socio-demographic characteristics and the residual high risk behaviours during the intervention.We compared the cohort HIV incidence with a Bernoulli modelled expected incidence in the absence of intervention, using data collected at the same time from FSW clients and key parameters from the litterature. Results: We screened 609 FSW including 188 (30.9%) professionals. Their median age was 21 years [IQR, 19-23], and the prevalence of HIV was 10.3% among professionals and 6.5% among non-professionals. Overall, 277 (45.6%) women reported high-risk behaviours (41.2% among professionals and 47.5% among non-professionals), which were driven mainly by non-consistent condom use with regular partners. In multivariable analysis, before the intervention, HIV infection was associated with older age (AOR=1.44; 95%CI: 1.22-1.71), with being married/cohabiting (AOR=2.70; 95%CI: 1.21-6.04), and with T. vaginalis infection (AOR=9.63; 95%CI: 2.93-31.59), while previous HIV testing was associated with a decreased risk (AOR=0.18; 95%CI: 0.08-0.40).The 321 HIV-uninfected FSW enrolled in the cohort completed 409 person-years of follow-up. No participant seroconverted for HIV during the study while the expected modelled number of HIV infections were 5.05 (95%CI, 5.01-5.08) during the same follow-up (409 person-years) or 1.23 infection per 100 person-years (p=0.005). This null incidence was related to a reduction in the number of regular partners and regular clients, and to an increase in consistent condom use with casual clients (AOR =2.19; 95%CI, 1.16-4.14, p=0.01) and with regular clients (AOR=2.18; 95%CI, 1.26-3.76, p=0.005). However, the incidence of residual risk was high, at 26.7/100 person-years (95% CI, 24.1-33.7). The residual risk was higher among FSW living in couple (adjusted odd ratio [AOR] =7.47, 95% CI, 1.70-30.80) and among those for whom sex work was not the main source of income (AOR =5.53, 95% CI, 1.75-16.84). The latter also tended not to report high-risk behaviours during face –to–face interview. Conclusions: This study highlights the need for targeted interventions among young FSW focusing particularly on non-professionals, sexual behaviours with regular partners and regular HIV testing. The ANRS 1222 study intervention package which combined peer-based prevention and care within the same setting markedly reduced HIV incidence among young female sex workers in Burkina Faso, through reduced risky behaviours.
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