Summary: | Le premier objectif de cette thèse est d’observer le fonctionnement d’une société plongée dans la guerre et confrontée à l’une de ses conséquences : l’internement de soldats atteints de troubles mentaux. Il s’agit de montrer comment, en prenant l’asile d’aliénés pour terrain d’étude et en analysant l’expérience d’un groupe d’individus apparemment isolé et minoritaire, il est possible de contribuer à une histoire totale de la guerre. En effet, contrairement à ce qu’on pourrait croire en se focalisant sur la littérature médicale, le sort de ces hommes n’intéresse pas seulement les psychiatres. Le recours à des archives de différentes natures montre que leur famille, leurs camarades, leurs chefs, les représentants de l’armée, de l’État, des départements et des communes ou encore l’administration asilaire réagissent, interviennent, prennent des décisions à leur sujet. Entre 1914 et 1918 puis jusqu’à la disparition des derniers poilus internés, la situation des soldats atteints de troubles mentaux soulève, selon le point de vue adopté, des enjeux scientifiques, militaires, politiques, économiques ou encore culturels qui dépassent leurs simples cas particuliers. Les parcours de ces hommes et leurs témoignages révèlent en outre une dimension longtemps méconnue de la violence de guerre et des souffrances endurées par les soldats, y compris après l’armistice. Examiner comment leurs troubles sont considérés par les médecins mais aussi par l’ensemble de la société amène à se demander dans quelle mesure le conflit transforme la prise en charge et la perception d’une catégorie spécifique de la population, les aliénés. Participant à réfléchir au rôle de la guerre dans les transformations des dispositifs d’action publique, cette thèse a donc pour deuxième objectif d’évaluer l’impact des années 1914-1918 sur l’évolution de l’assistance psychiatrique au XXe siècle. === The primary objective of this thesis is to observe the functioning of a society plunged into war and faced with one of its consequences: the internment of soldiers suffering from mental illness. The aim is to show that we can contribute to the global history of the war by analyzing the experiences of a small group of people within a mental asylum, though their experiences may seem isolated and unrepresentative of the majority. Contrary to the implications of the purely medical literature, it was not in fact the psychiatrists alone who had an interest in the situation of these men: investigation of various kinds of archive shows that their families, fellow soldiers, senior officers, the representatives of the armed forces and the government at national, regional and local level, as well as asylum directors and their staff, reacted, intervened and took decisions concerning them. Between 1914 and 1918, and subsequently until the passing of the last interned 'poilus', the case of soldiers victims of mental illness raises issues of psychological, military, political, economic and cultural nature which transcend their individual particularities. Furthermore, these men’s histories and their voices reveal a long-overlooked dimension of the violence of war and the suffering endured by the soldiers both before and after the armistice. By examining the way in which their conditions were regarded, not only by doctors but by society as a whole, we come to ask ourselves to what extent conflict affects the way in which those who were categorized as mentally ill were perceived. Therefore the second objective of this thesis is to reflect on the role of war in transforming social intervention measures, thereby evaluating the effect of the 1914-1918 period on the evolution of psychiatric assistance during the 20th century.
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