Summary: | À travers l’analyse d’œuvres de Tadeusz Kantor, Pina Bausch, Jan Lauwers, Pippo Delbono et Emma Dante, cette étude propose une ouverture des outils traditionnels des études théâtrales aux concepts de la psychanalyse et aux méthodes des études visuelles pour rendre compte de l’expérience émotionnelle intense que les créations de ces artistes induisent. La notion de symptôme, théorisée par Freud et reprise dans le champ de l’histoire de l’art par Georges Didi-Huberman, permet de dépasser une vision de la scène comme « système de signes » « à lire » – sous l’influence de la sémiologie et du structuralisme – et de penser au contraire ce qui, dans les images proposées, ne se laisse pas saisir immédiatement. Après avoir montré les limites des outils dramaturgiques, il est possible de mettre en évidence les moments d’irruption du geste-symptôme dans les œuvres, en adoptant une attitude plus phénoménologique. Le paradigme du rêve, comme modèle analogique d’une organisation-désorganisation, peut nous permettre de comprendre l’agencement des éléments scéniques. Ce qui touche le spectateur ne se situe plus au niveau de la représentation, mise en branle par la présence du symptôme, mais sous celle-ci et entre les éléments. Le rapport au réel qui s’instaure pour le spectateur relève alors plus de l’imaginable que d’une forme de mimèsis : les images ouvrent le regard et modifient la position du spectateur touché corporellement et émotionnellement. Le sujet théâtral diffracté porté par le corps de l’acteur amène le spectateur à faire l’épreuve de l’Autre en scène. Les œuvres à l’étude proposent ainsi une expérience de subjectivation et de symbolisation qui réactive les processus de la construction psychique de l’individu mise en crise dans la société contemporaine. Dans le corps-à-corps qui s’installe entre la scène et la salle, c’est à sa position de sujet face aux autres, à lui-même et au monde, que le spectateur accède. === Through an analysis of works by Tadeusz Kantor, Pina Bausch, Jan Lauwers, Pippo Delbono and Emma Dante, this thesis attempts to open up the traditional analytical tools that tend to be privileged by the discipline of theatre studies to concepts stemming from psychoanalysis or visual arts, which are more appropriate for rendering the intense emotional experience that these works induce. The notion of symptom, theorised by Freud and reappropriated by art history thanks to the work of Georges Didi-Huberman, can allow us to see the stage as more than a “system of signs”, “to be read”, under the influence of semiology and structuralism, but also to go beyond the image, towards something that is not immediately evident. Having shown the limitations of dramaturgical tools, it is possible to highlight the specific moments when a symptomatic gesture irrupts within these works by relying on a more phenomenological analysis. Dream patterns, which have the similar quality of being models of an order-disorder, are essential to our understanding of the organization of stage elements and processes. Whatever moves the spectator, is no longer strictly conditioned by representation, which is itself disrupted by the symptom, but is situated beyond it, under it, between the different scenic elements. The audience’s perception of reality becomes more reliant on imaginable rather than on some form of mimesis: images open up the gaze and alter the spectator’s stance, touching him physically and emotionally. The diffracted theatrical subject contained in the actor’s body helps the public witness Otherness onstage. The works studied here involve an experience of subjectivation and symbolisation, which activates the constitutive elements of the individual’s psyche, in crisis in contemporary society. Within the very physical relationship that is built between stage and audience, the spectator experiences his own position as a subject facing others, himself and the world.
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