Expulsions des Allemands des Sudètes : expressions d'une identité atrophiée dans la littérature : "L'Heure étoilée du meurtrier" de Pavel Kohout, "Les Inachevés" de Reinhard Jirgl

L’expulsion des Allemands des Sudètes reste aujourd’hui encore un sujet sensible des deux côtés de la frontière germano-tchèque. En témoignent les polémiques liées à l’ouverture du « Zentrum gegen Vertreibungen » à Berlin ou les déclarations de Milos Zeman affirmant que les expulsions n’avaient pas...

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Bibliographic Details
Main Author: Moreno-Bachler, Jessica
Other Authors: Bordeaux 3
Language:fr
Published: 2015
Subjects:
Online Access:http://www.theses.fr/2015BOR30018/document
Description
Summary:L’expulsion des Allemands des Sudètes reste aujourd’hui encore un sujet sensible des deux côtés de la frontière germano-tchèque. En témoignent les polémiques liées à l’ouverture du « Zentrum gegen Vertreibungen » à Berlin ou les déclarations de Milos Zeman affirmant que les expulsions n’avaient pas été une punition assez sévère pour les Allemands. Dès 1945, les trois millions d’Allemands vivant encore sur le territoire de la future République tchèque furent expulsés vers l’Allemagne, transitant par des camps de travail, forcés de laisser derrière eux leur maison, leur ferme ou encore leur entreprise. Comment alors se reconstruire dans un pays qui n’est pas le sien ? Nombre d’entre eux considèrent dans un premier temps que cette expulsion est provisoire et entretiennent l’espoir d’un retour. Toutefois, ils seront rares à retrouver leur ancienne patrie. Ces événements sont violents, car sous le mot « expulsion » se cache en réalité des termes tels que « viol, expropriation, exploitation, déracinement ». La génération des parents expulsés, tout entière concentrée sur une reconstruction matérielle, fermera les yeux sur les souffrances des héritiers du non-dit. Aujourd’hui, ce sont eux qui prennent la parole, dans des œuvres romanesques que nous analyserons dans le présent travail. Le roman de Pavel Kohout, L’Heure étoilée du meurtrier, est un roman qui a manqué sa réception. Son message hautement politique a été masqué par l’appellation « Thriller » qui lui a été attribué, censure du régime communiste tchèque oblige. Toutefois, les personnages qui évoluent dans le récit, même s’ils enquêtent sur une série de meurtres, font plus que cela. Ils donnent à voir à quel point les relations germano-tchèques ont été détruites par la politique nationale-socialiste et l’occupation. Ainsi la rencontre entre les deux protagonistes, l’un allemand, l’autre tchèque, soulève la question de l’après. Alors que les expulsions sauvages débutent, leur amitié se renforce, leur questionnement face à l’avenir ouvre la voie de la réconciliation. Les personnages des Inachevés sont quant à eux les victimes des expulsions annoncées dans le roman de Pavel Kohout. Les quatre femmes de la famille Rosenbach vivront ce traumatisme dans le déni, l’opposition ou le silence, jusqu’à le transmettre au dernier-né, projeté dans un passé qui n’est pas le sien. Cet homme brisé par une histoire qui lui est étrangère pose alors la question de la transmission. Que s’échangent les personnages du roman de Pavel Kohout, lorsque Buback l’allemand reconnaît sa culpabilité ? Quel rôle le silence joue-t-il dans la transmission d’un traumatisme, lorsque même les générations actuelles souffrent des blessures de leurs aînés ? === The theme of my research is identity, the transmission of History into a family and the social deconstruction of the German expellees after World War II. The expulsion of the Sudeten Germans is the historical frame in which the novels of Reinhard Jirgl and Pavel Kohout evolve. The questions that are explored in this doctoral thesis are: How can literature be the medium of their suffering? Which part did the lost homeland play on their identity and how could they pass on the History to their children or grand-children without imprisoning them in a jail of silence? Pavel Kohout’s novel, Sternstunde der Mörder, embodies the interrogations of the allied forces in 1945: are German and Czech people able to live side by side? The expulsions, the violence and the loss of the homeland gave birth to a trauma that still isn’t healed. The Rosenbach family in Reinhard Jirgl’s novel Die Unvollendenten are the victims of those expulsions and pass their trauma on to the grandchild, sick of a wound that isn’t his own. The suffering of this generation is still present in today’s Germany: can literature be part of the healing process?