Summary: | Malgré les apports de l'anthropologie juridique, l'étude de la norme au travers des sources narratives médiévales est encore de nos jours à l'état embryonnaire. Les historiens du droit restent attachés, très logiquement, à l'étude de la norme formalisée et coercitive, tandis que les historiens des faits sociaux restent circonspects quant à la capacité informative des sources littéraires. Souhaitant dépasser ce clivage culturel, cette thèse renouvelle les sources de l'analyse juridique, en recourant aux fictions médiévales du XIIe-XIIIe siècle. Les processus normatifs étudiés au travers le prisme de la parenté dans la Matière de France et le Roman de Renart révèlent une représentation cohérente de l'organisation sociale, s'appuyant à la fois sur les réalités séculières du système judiciaire des XIIe-XIIIe siècles, mais également sur une anastylose poétique de pratiques et de normes héritées des temps mérovingiens et carolingiens. En fait, le système normatif fictionnel repose sur les normes contemporaines, sur le souvenir imparfait des normes antérieures, mais également sur une pluralité de valeurs et de comportements codifiés. Ainsi, les fictions médiévales ne sont pas seulement des « machines judiciaires », mais bien des « machines normatives », qui englobent non seulement la norme reconnue ou la règle admise, autrement dit la « juridicité » de la pratique judiciaire antérieure et contemporaine aux XIIe-XIIIe siècles, ainsi que ses représentations ou reconstructions, mais également un système de références morales et comportementales. Par ailleurs, si dans les récits, les deux sources matricielles de normativité sont incontestablement la vassalité et la parenté, les règles juridiques qui en découlent, apparaissent bien souvent comme étant supplétives de volonté : leur respect ou leur défiance dépend à la fois des intérêts, des aspirations et des postures d'un individu, mais également des contraintes fictionnelles que les récits déterminent entre eux. === In spite of the contributions of the legal anthropology, the study of the standard through the medieval narrative sources is even nowadays in the embryonic state. The historians of the law remain attached, very logically, to the study of the formalized and coercive standard, whereas the historians of the social facts remain cautious as for the informative capacity of the literary sources. Wishing to overtake this cultural cleavage, this thesis renews the sources of the legal analysis, by resorting to the medieval fictions of the XIIe-XIIIe century. The normative processes studied in the fault the prism of the kinship in the Matière de France and Le Roman de Renart reveal a coherent representation of the social organization, leaning at the same time on the secular realities of the judicial system. of the XIIe-XIIIe centuries, but also on the poetic anastylose of practices and standards inherited from Merovingian and Carolingian times. The fictional normative system thus bases on the contemporary standards, on the imperfect memory of the previous standards, but also on the plurality of values and codified behavior. So, the medieval fictions are not only " judicial machines ", but also many " normative machines ", which include not only the recognized standard or the accepted ruler, in other words the "juridicité" of the previous and contemporary judicial practice in the XIIe-XIIIe centuries, as well as its representations or reconstructions, but also a system of moral and behavioral references. Besides, ff the texts, both matrix sources of normativity are unmistakably the submission and the kinship, the legal rules which ensue from it, appear very often as being auxiliary of will: their respect or their mistrust depends at the same time on interests, on aspiration and on postures of an individual, but also on fictional constraints which narratives determine between them.
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