Summary: | Cette recherche se propose d’analyser, à partir du cas des ouvriers de l’assistance aéroportuaire en piste en Île-de-France, le processus de modernisation du travail qui transforme les régulations du travail et de l’emploi dans deux directions apparemment opposées: 1/ un mouvement de dérégulation, initié par les politiques de libéralisation du transport aérien, provoque la fragmentation des structures économiques par l’externalisation des activités d’assistance au sol et la déstabilisation des groupes professionnels. Au niveau des sociétés d’assistance en piste, la diffusion de l’emploi précaire et la gestion concurrentielle du personnel segmente le groupe ouvrier et en déstabilise les régulations informelles. 2/ un retour des régulations, en premier lieu de contrôle suivant des orientations sécuritaire dans une logique de prévention des risques et de discipline des salariés et industrielle selon un principe de flux tendu et une démarche qualité. Au niveau informel, se développent arrangements et loyautés entre personnels d’exécution et d’encadrement, en réponse à l’intensification du travail et à la précarisation de l’emploi. De nouvelles formes de solidarité entre ouvriers, de nature ethnique, générationnelle ou statutaire tendent à se substituer à la solidarité de métier défaillante. Nous défendrons alors la thèse suivante : dans le cadre du secteur libéralisé et sous-traité de l’assistance en piste, les sociétés soumettent leurs salariés à un régime concurrentiel traduisant des logiques de marché, en rupture avec la régulation précédente. Afin d’éviter les effets contre-productifs de cette gestion du personnel et de garantir aux compagnies clientes une certaine « qualité de services », le management redéfinit une régulation de contrôle du travail plus contraignante fondée sur la responsabilité individuelle. Dans ce contexte, les ouvriers de piste parviennent à tenir au travail par le biais de défenses, de solidarités ethniques et d’arrangements informels avec l’encadrement, mais au prix de souffrances individuelles et de la fragmentation du collectif de travail et de la régulation autonome dont il est le support. === This research aims at analyzing, based on the case of the ramp handling workers on Paris airports, the process of work rationalization which transforms work and employment regulations in two, apparently opposed, directions:1/ a deregulating motion, initiated by air transport liberalization policies, fragments the market structures through outsourcing ground handling services and destabilizes professional groups. The progress of insecure employment and competitive workforce management within ramp handling firms divides the work group and undermine its informal regulations. 2/ a regulatory fallout, first defined by the increase of the managerial control on work on security issues, to ensure risk prevention and workers discipline, and on industrial issues, to implement just in time production and quality management. Informal agreements and loyalties are formed between workers and supervisors to compensate work intensification and job insecurity. New models of solidarities at work of ethnic, generational and positional natures emerged in the context of the decline of the traditional professional culture. We will then defend the following argument: in the liberalized and outsourced sector of ground handling services, the management of the workforce evolved towards a higher degree of competition between employees reflecting the market pressure. So as to prevent the counter-productive effects of this human resources model and to ensure good service quality to the airline companies, managers redefine a more constraining set of work rules based on individual responsibility. Within this context, ramp agents manage to hold on at work by means of psychological defenses, ethnic bonding and informal loyalties with the supervisory staff, but at the price of individual sufferings and the fragmentation of the work group and its regulations.
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