Sanctionner l'auteur d'une transgression : étude d'une composante motivationnelle des valeurs morales

En fixant des normes et des interdits, les valeurs morales participent du bon fonctionnement d'un groupe ou d'une société (Haidt & Kesebir, 2010 ; Janoff-Bulman, Sheikh, & Hepp, 2009). Lorsqu'une norme sociale ou morale est transgressée, l'individu est parfois pris du dés...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Métayer, Sébastien
Other Authors: Paris 5
Language:fr
Published: 2014
Subjects:
150
Online Access:http://www.theses.fr/2014PA05H113/document
Description
Summary:En fixant des normes et des interdits, les valeurs morales participent du bon fonctionnement d'un groupe ou d'une société (Haidt & Kesebir, 2010 ; Janoff-Bulman, Sheikh, & Hepp, 2009). Lorsqu'une norme sociale ou morale est transgressée, l'individu est parfois pris du désir de sanctionner l'auteur de la transgression, même s'il n'en a pas lui-même souffert les conséquences (Chekroun & Brauer, 2008 ; Fehr & Fischbacher, 2004). Ce type de sanction aurait pour fonction de maintenir l'ordre social et la coopération entre les individus (Fehr & Gächter, 2002 ; Ginits, Henrich, Bowles, Boyd, & Fehr, 2008 ; Jensen, 2010). Afin de mieux comprendre ce phénomène, nous avons étudié le rôle joué par les valeurs morales dans le déclenchement de ces conduites punitives « désintéressées ». De nombreuses études ont mis en évidence la force motivationnelle dont sont pourvues les valeurs, poussant l'individu à agir en adéquation avec elles (e.g., Hertel & Kerr, 2001 ; Maio, Pakizeh, Cheung, & Rees, 2009). Partant de cet état de fait, nous avons postulé l'existence d'une deuxième composante motivationnelle propre aux valeurs morales, conduisant l'individu à les faire respecter en sanctionnant les personnes qui ne les respectent pas. Nous avons testé dans un premier temps cette hypothèse à travers l'impact du système moral individuel sur le jugement punitif dans le cadre de situations moralement ambivalentes dans lesquelles le protagoniste respectait une valeur morale (e.g., l'équité) aux dépens d'une autre (e.g., la loyauté). Les résultats suggèrent que plus les individus adhèrent à une valeur, plus ils souhaitent voir sanctionnées les personnes transgressant cette valeur. Dans un second temps, nous avons étudié à l'aide de différentes procédures d'amorçage l'influence momentanée que peuvent avoir les valeurs morales sur les tendances punitives lorsque le contexte les rend saillantes. Les effets de l'amorçage spécifique d'une valeur, la loyauté, ont été testés dans le cadre de situations fictives moralement ambivalentes ainsi que dans des conditions écologiques. Les résultats montrent que l'amorçage spécifique de la loyauté entraine une augmentation de la sévérité du jugement punitif ainsi qu'une baisse des tendances prosociales à l'égard d'une personne ayant agi de façon déloyale. L'apparition de ces effets semble néanmoins dépendre du niveau d'implication des individus vis-à-vis de la situation. Ce travail de recherche nous a aussi permis de constater que lorsqu'une valeur est accessible (de façon chronique ou temporaire), l'individu a davantage tendance à percevoir les événements à travers celle-ci. Dans l'ensemble, les résultats obtenus à travers cette série d'études mettent en évidence l'influence exercée par les valeurs morales, liée à leur niveau d'accessibilité et de désirabilité, entrainant les individus à les faire respecter en sanctionnant leurs transgresseurs. === Moral values take part in the effective functioning of a group or society by setting prescriptive and proscriptive norms (Haidt & Kesebir, 2010, Janoff-Bulman, Sheikh, & Hepp, 2009). When witnessing the violation of a social or moral norm, people sometimes wish to punish the transgressor, even if they do not suffer any negative consequences of the violation (Chekroun & Brauer, 2008 ; Fehr & Fischbacher, 2004). The function of this kind of sanction would be an upholding of the social order and cooperation between group members (Fehr & Gächter, 2002 ; Ginits, Henrich, Bowles, Boyd, & Fehr, 2008 ; Jensen, 2010). In order to better understand this phenomenon, we studied how moral values can trigger such third-party punishment. Numerous studies highlight the motivational nature of moral values, driving people to act in line with these ideals (e.g., Hertel & Kerr, 2001 ; Maio, Pakizeh, Cheung, & Rees, 2009). With this in mind, we suggested the existence of a second motivational component, specific to moral values, driving the individual to enforce them by punishing their transgressors. Firstly, we tested this hypothesis through the impact of the individual moral system on punitiveness in morally ambivalent situations describing a protagonist respecting a value (e.g., fairness) at the expense of another (e.g., loyalty). According to the results, the more participants agreed with a value, the more they wanted to see someone who violated the value being punished. Then, we studied the influence exerted by moral values on punitiveness when they are salient within the situation, using different priming procedures. We tested the priming effects of one specific value, loyalty, using morally ambivalent situations and ecological designs. According to the results, priming loyalty led to an increase of punishment severity and to a decrease of prosocial intentions toward a person who didn't act loyally. However, these effects seem to be moderated by the level of personal involvement vis à vis the situation. This research also revealed that when a value is accessible (chronically or temporarily), one tends to perceive the events through the value. All in all, the results gathered through this series of studies reveal the influence exerted by moral values, linked to their levels of accessibility and desirability, which drive people to enforce them by sanctioning their transgressors.