Summary: | Cette thèse examine la pertinence d’une filiation beckettienne chez John Banville, et propose d’envisager les apparentes divergences d’écriture comme les manifestations d’une même affection mélancolique : en effet, l’économie beckettienne et la profusion banvillienne pourraient constituer deux produits d’une écriture placée sous le signe du double et du décalage. John Banville poursuit à sa manière le projet beckettien de l’esthétique de l’échec : il illustre, à l’instar de son devancier, l’impossibilité de concilier deux images contradictoires de la réalité, celle, idéale, d’une pensée conduite selon les règles de la science, et cette autre, proliférante, instable, de la matière même. Le principe selon lequel le double dégradé de l’idéal met en échec toute tentative d’ordonner les données du réel sous-tend et caractérise les œuvres de ces deux écrivains, que rassemble une même fascination pour la science et ses systèmes de pensée. Le fossé séparant idéal et contingence, ordonnancement de la pensée et chaos matériel, y abrite la source d’une écriture mélancolique. L’analyse du discours pseudo-scientifique, qui dans le même mouvement témoigne d’une volonté affichée d’apprivoiser le réel et révèle l’instabilité fondamentale de l’être et du langage, permet de mettre au jour une filiation mélancolique. C’est cette filiation que l’on peut suivre en observant les persistances visuelles et auditives, et plus largement la perpétuation du ressassement de la pensée spéculative : les images, voix et pensées de l’impuissance font perpétuellement retour au sein des œuvres, mais également d’une œuvre à l’autre, et de Beckett à Banville. === This thesis tries to uncover a literary filiation between Samuel Beckett and John Banville, with particular emphasis on Beckett’s Trilogy and John Banville’s scientific tetralogy. It proposes to consider their apparently diverging modes of writing as two manifestations of the same melancholy affection: the economy of means in Beckett and its profusion in Banville could be regarded as two modes of literary production characterized by discrepancy and error. John Banville follows the Beckettian project of an esthetics of failure – like his predecessor, he illustrates the impossibility of successfully combining two contradictory images of reality, one an ideal image driven by thought mechanisms modelled on scientific procedures, and the other, a buzzing, instable image of matter itself. The principle whereby the degraded double of the ideal necessarily defeats every attempt at ordering the data of reality underpins and defines the works of the two writers, displaying a fascination for science and systems of thought. In their fiction, the gap between ideal and contingency, between thought processes and material chaos, is the source of a melancholy inspiration. The analysis of pseudo-scientific discourse, which both testifies to a determination to gain control over chaotic reality and reveals the fundamental instability of being and language, allows us to uncover a link between the two writers, based on melancholy. This legacy can then be evidenced through the observation of the same visual and auditory perceptions, and more largely the perpetuation of boundless speculation: images, voices, and thoughts of impotence recur throughout the works, but also from one work to the next, and from Beckett to Banville.
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