Summary: | Cette thèse s’inscrit dans le cadre des travaux de révision de la structure de la racine sémitique en général, et arabe en particulier. Dans l’introduction, nous avons entamé une relecture critique des efforts des grammairiens arabes en quête du seuil minimal du sens, et qui ont abouti à poser la racine trilitère comme étant ce seuil ultime et inanalysable. Ce choix a été fait malgré tous les signes d’instabilité que comporte ce concept - tels que son incapacité à expliquer la réversibilité de l’ordre des consonnes et leur variation phonétique indépendamment du sens. C’est un choix synchronique anhistorique qui exclut la notion de temps, et émane d’une conception révélationniste (tawqîf) du langage. Au XIXe siècle, l'évolutionnisme darwiniste, étendu à la philologie, met à mal cette conception figée de la racine. En intégrant la notion de temps, nombre d’Orientalistes, suivis par quelques philologues arabes de l’époque, ont montré à travers une approche comparative que la racine trilitère est une forme évoluée d’une base primitive bilitère (ou monosyllabique). Depuis, plusieurs explications ont été proposées pour la formation de la racine trilitère à partir d’une base bilitère (croisement, incrémentation, affixation). Certains linguistes comme Hurwitz ont essayé d’identifier et de systématiser par déduction les éléments ternaires et leurs valeurs sémantiques. Dans notre travail, qui s'inscrit dans le cadre de la théorie des matrices et des étymons, nous démontrons à travers l’analyse synchronique de près de 1000 items que la racine trilitère est analysable en termes d’étymons bilitères et de créments, ou affixes. Les éléments affixables ou incrémentables à la base sont phonétiquement les mêmes (gutturales, sonantes, labiales, nasales) et corrélés souvent aux mêmes valeurs grammaticales (factitif, statif, moyen) ou sémantiques (l’intensif). La troisième position de la racine est la position privilégiée dans ce processus d’affixation/incrémentation. La racine trilitère n’est donc pas le seuil minimal du sens, et s’avère réductible à une base biconsonantique rendue trilitère grâce à un segment crément ou affixe. Ceci peut avoir un effet sur notre conception du lexique arabe, désormais réorganisable autour des bases bilitères soit abstraites (les traits phonétiques), soit concrètes (les étymons primitifs), qui sont à leur tour transformables en radicaux trilitères grâce à une liste préalable de créments et affixes spécifiant la signification primordiale véhiculée par la base bilitère. === This thesis is part of the revisionist work on the structure of the Semitic root in general, and the Arabic root in particular. In the introduction, we present a critical review of the efforts of Arab grammarians in their quest of a minimum linguistic threshold associated with meaning, a quest that resulted in establishing the triliteral root as the ultimate unanalysable unit. This choice was made despite the many obvious shortcomings of this theoretical framework, such as its inability to explain the reversal of the order of consonants, or their phonetic variation (regardless of its meaning). It is an anhistorical, synchronic choice that excludes the notion of time, and finds its roots in a revelationnist (tawqîf) linguistic framework. In the end of the nineteenth century, the extended Darwinist theory has undermined this static conception of the root. By integrating the notion of time, a number of Orientalists - followed by some Arab philologists of that period - showed, through a comparative methodology, that the triliteral root has evolved from a primitive monosyllabic (or biconsonantal) root. Since then, several explanations have been proposed for the formation of the triliteral root from a biliteral base (crossed bilateral roots, affixation of formative increments or determinatives).Some linguists, such as Hurwitz, tried to identify and to systematize by deduction the ternary elements and their semantic values. In this work, which is carried within the framework of the Matrix and Etymons Theory , we demonstrate through the synchronic analysis of nearly 1,000 trilateral items that the triliteral root is analyzable in terms of biliteral etymons and of separable increments or affixes added at the beginning (prefixation), the middle (infixation) or the end (suffixation) of bilateral bases.The characteristic elements that can be affixed or incremented on the base are phonetically similar (gutturals, sonorants, labial, and some dentals) and correlated often with the same grammatical (factitive, stative, reflexive or middle voice) or semantic (intensive) values. The third position of the root is the position favored in this process of affixation / incrementation. Thus, the triliteral root is not the minimal threshold of meaning, and can be broken down to a biconsonantal base, which became triliteral thanks to an incremental or affixal segment. These findings may affect our perception of the Arabic lexicon, which can now be rearranged around biliterals bases, either abstract ( i.e. phonetic features), or concrete (i.e. historical primitive etymons) that are in turn convertible into triliteral radicals through a preliminary list increments and affixes that specify the primary meaning conveyed by the bilateral base.
|